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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Sibérie, Monamour
Russie / 2010
20.04.2011
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DES HOMMES ET DES LOUPS
« - C’est ça les bêtes, ça sent ce qui va arriver. »
Sibérie, Monamour, titre paradoxal, est le deuxième long métrage de Slava Ross. Cette fresque ample et morbide dans une Russie en décomposition raconte l'histoire de plusieurs personnages qui (s’en)foncent dans une impasse, sans autre espoir qu'une foi mise à l'épreuve.
Cernés par une nature hostile et menacés par une meute de loups, un grand-père et son petit-fils survivent difficilement dans le hameau perdu dans la taïga. Territoire vierge et immense, allégorie d’un pays infini. Des forêts sublimes, des montagnes à perte de vue. Mais l’environnement rend le quotidien âpre et les êtres humains en état de survivance. Même ceux qui se compromettent à l’égoïsme et l’individualisme n’échappent pas à la peur et à la mort. Une succession d'événements va pousser à bout leur résistance, et la nôtre tant la tension vers le dénouement final est maîtrisée. Sans temps morts, grâce à un découpage malin et un scénario habile, Sibérie, monamour est aussi cruel que sauvage, attachant que cynique.
Slava Ross magnifie l’image avec des détails : une icône, la vapeur d’un bain, un puits qui peut-être un piège… Entre voleurs et paysans, militaires et villageois, le portrait de la Russie, en pleine dégénérescence, n’a rien de radieux ou de séduisant. La folie habite chacun d’entre eux, quand ce n’est pas la ferveur. Les personnages vont se croiser vers une issue finale commune. Construction classique mais maîtrisée qui intensifie l’œuvre. Le film bascule dans un autre genre : le suspens, qui nous scotche les yeux à l’écran. Heureusement, le ton absurde qui sied si bien à l’humour russe n’est pas absent. Il faut bien cette distance pour se croire encore humain, pour surmonter la misère.
Quintessence d’une identité culturelle, Sibérie, monamour est une galerie de gens abîmés, désespérés. Une meute de proies idéales pour les loups. La mort rode partout. Quand elle survient, elle est atroce. Il ne reste alors que la pourriture. Car ce pays se désagrège, avec ses guerres, son racisme, ses voleurs, sa rudesse ; il y a les séquelles de ce communisme qui a gangréné ses moindres parcelles de territoire : les routes ne sont pas finies. les statues de Staline sont encore debout, comme des vigies ironiques qui n’ont plus personne à impressionner. Le calvaire du grand père et le péril qui frappe son petit fils nous captivent de bout en bout. Une odyssée horrible qui aurait pu devenir Sibérie, sans retour.
Mais Slava Ross donne une utilité à chacun de ses personnages dans un film éminemment moral, évidemment chrétien. Il s’agit de pardon, de rédemption, d’éthique, de souffrance et même de réincarnation. Mais le cinéaste préfère achever avec une forme d’utopie cette œuvre qui aurait pu être pénible et qui est, en fait, fascinante. Il écrit une issue optimiste, à l'image de ce que ce cinéaste représente : le renouveau d’un cinéma autrefois grandiose. Il y insuffle une mélancolie toute slave dans une tragédie universelle et presque théâtrale. « Personne n’est mort, personne ne va mourir ». Il faut donc croire ce que l’on nous dit. Même si ce que l’on voit est une épopée morbide où un orphelin, un soldat et une pûte vont symboliser l’espérance.
vincy
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