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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Source Code
USA / 2011
20.04.2011
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UN JOUR SANS FIN
"- C'est le même train, mais il est différent."
Avec Source Code, Ducan Jones, réalisateur anglais du passionnant et malin Moon, prolonge son travail d’une SF d’anticipation à caractère psychologique. Sauf qu’ici, et contrairement à son film précédent, nous franchissons un cap puisque la frontière du rocambolesque, de l’improbable voire de l’invraisemblable est allégrement franchie. Jusque dans son brouillage de pistes à
mi-parcours. Ducan Jones ne pouvait sans doute pas se contenter de réciter à la lettre un exercice de style sur fond d’univers parallèle et de temps à remonter.
De toute façon, le réalisateur reproduit peu ou prou les conditions de son premier film. A savoir une mise en situation suffisamment forte pour aller au-delà des apparences de son pitch de départ. Ce qui compte n’est pas tant la répétition de ces 8 minutes dans la vie d’un homme envoyé déjouer une menace terroriste, mais la façon dont l’expérience scientifique menée aura une influence sur son comportement, ses émotions et, en définitive, la perception de sa propre existence. Nous retrouvons, un peu, ce qui faisait de Moon une expérience si singulière : la construction d’une vérité que le personnage principal découvre au fur et à mesure de sa pratique d’un espace donné.
Source Code délivre alors les thématiques chères au cinéaste (solitude du personnage principal, situation extrême, répétition d’un même évènement, prise de conscience d’une réalité à plusieurs niveaux…) pour formaliser une lecture plus proche de l’œuvre philosophique que du bon vieux blockbuster linéaire. Mais à trop vouloir couper les ponts avec les fondements d’une mise en situation, le réalisateur flingue la tension d’un film pourtant très bien parti. Ce qu’il perd en nervosité, il le gagne en humanisme. La balance est précaire, le message passe mal ou maladroitement pour cause de dispersion des enjeux. Sur ce plan la deuxième partie est la mieux maîtrisée. Car en occultant volontairement l’enjeu de départ (la recherche d’un terroriste) au profit d’une quête existentielle, Source Code s’émancipe du cadre fermé des films à pitch façon quatrième dimension. L’exercice de style s’efface au profit d’une histoire, là encore, assez maligne mais sans réelle ligne conductrice. Conséquence : l’histoire se délite et n’a plus vraiment le temps d’arpenter ce long chemin cérébral pourtant invoqué par Jones.
La pirouette finale viendra nous achever. Attention ! Elle reste logique et plutôt efficace. Sauf qu’elle sent un peu le réchauffer. Déçu, forcément, mais pas abattu par le spectacle offert.
Osons une petite comparaison. Source Code nous fait un peu penser au film de Fincher post Seven, The Game. Bancal, fascinant, à l’ambiance réussie, il est également un film d’épate et d’excès se consumant de l’intérieur par sa propre thématique. En fabriquant un film miroir, sorte d’excroissance à son Moon, Ducan Jones joue dans la surenchère visuelle sans pour autant nous atteindre plus que cela par la situation incroyable de Colter Stevens. Et c’est sans doute le plus grand reproche de cet essai malgré tout maîtrisé. Louons, enfin, l’interprétation de Jake Gyllenhaal. Sans atteindre le génie d’un Sam Rockwell, l’acteur nous assure une prestation de classe (au côté d’une Véra Farmiga d’une crédibilité sans faille) aussi physique que psychologique.
Si l’essai US ne mérite qu’un petit détour, il confirme néanmoins le potentiel d’un cinéaste attaché par la dimension humaine et non pyrotechnique des histoires qu’il tient à nous raconter. C’est bon signe pour la suite.
geoffroy
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