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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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John Rabe (City of War: The Story of John Rabe)
Allemagne / 2008
27.04.2011
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WAR STORIES
« Une zone de sécurité qui n'est pas sûre, c'est pire que pas de zone du tout. »
John Rabe, personnage joué avec justesse par Ulrich Tukur, raconte l'histoire vraie de ce cadre supérieur nazi de Siemens, qui vécut paisiblement à Nankin pendant trente ans, avant d'être rattrapé par la guerre. Sur fond de montée du nazisme, le fonctionnaire s'apprête à rentrer en Allemagne en 1937 mais l'avancée des bombardements japonais en Chine va le pousser à rester sur place, pour protéger les civils chinois. Le film, justement sous-titré le juste de Nankin, aborde ici un pan de la Seconde Guerre mondiale peu connu et médiatisé. Le sujet est délicat et pose une question centrale : en tant que réalisateur allemand, comment aborder l'histoire d'un membre du parti nazi qui a sauvé des civils chinois de l'agression japonaise grâce au drapeau nazi?
Florian Gallenberger a clairement voulu retranscrire au mieux ce moment historique et douloureux. La tâche était lourde : en effet le massacre de Nankin est encore aujourd'hui source de tensions entre la Chine et le Japon (200 000 personnes sauvées contre 300 000 qui périrent). Il a réussi à montrer le contexte paternaliste de l'époque et à mettre au centre de son film la valeur héroïque de John Rabe, alors que ce dernier ne se considérait pas comme un héros. Au final, c'est l’effort collectif pour construire une zone de sécurité au centre de la ville qui a réussi à sauver des milliers de civils, malgré les atrocités commises à ce moment-là. Du côté des points positifs, le film multilingue jouit d'un casting international impressionnant avec Steve Buscemi (Fargo, Reservoir Dogs), Daniel Brühl (Good-Bye Lenin!, Inglorious Basterds), Anne Consigny (Je ne suis pas là pour être aimé, Un conte de Noël) ou encore Zhang Jingchu (Rush Hour 3, The Road). Même s'il était délicat de se complaire dans une certaine héroïsation du personnage de John Rabe, le film a le mérite de réhabiliter son acte.
Cependant, il n'échappe pas à un certain lyrisme et tend vers la caricature sur certains personnages. Les violons se font entendre un peu trop souvent, et même si le film peut être vu comme un biopic sur John Rabe, le côté manichéen reprend parfois le dessus. Dans la veine de La liste de Schindler, John Rabe tente de montrer que tous les Allemands n'étaient pas des salauds et que la guerre a aussi eu lieu en Asie. Ce conflit mondial a touché tous les coins de la terre et partout il y avait des partisans et en face, des gens qui ont voulu se battre contre la barbarie.
Les faits historiques rejoignent notre présent, et c'est ce qui est sans doute le plus intéressant. En effet, l'Allemagne n'a rendu hommage à John Rabe qu'en 2003, ce qui montre à quel point la plaie est encore béante. De même, le réalisateur a rencontré une très forte censure en faisant des repérages pour son film à Nankin, et il s'est vite rendu compte que toute une génération de survivants chinois (et allemands?) avait besoin d'en parler, malgré l'opposition de l'autorité chinoise. Florian Gallenberger a le mérite de nous livrer un film pédagogique, pas trop lisse, sur un sujet inépuisable : les atrocités perpétrées en temps de guerre. Si l’on pensait un peu naïvement que seule l'Europe portait encore le poids de ce fardeau, John Rabe nous montre clairement le contraire.
Sur le même sujet, on verra d’ailleurs avec intérêt City of life and death de Lu Chuan qui présente le point de vue chinois sur le siège et les massacres de Nankin. Un point de vue non exempt d’idéologie et de manichéisme mais qui complète avantageusement la vision occidentale de Gallenberger.
Sarah
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