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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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De l'eau pour les éléphants (Water for elephants)
USA / 2011
04.05.2011
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LA PISTE AUX ÉTOILES
"Tant qu'on peut marcher, on travaille"
Hollywood possède une belle tradition de films de cirque, exploitant tour à tour son côté enchanteur (Sous le plus grand chapiteau du monde, Le Plus Grand Cirque du monde) ou dérangeant (Le Cirque des horreurs, Le Cirque fantastique, Freaks). Cela faisait cependant longtemps qu'il ne nous avait pas enchanté avec de si belles lumières. Véritable hommage au film de genre, De l'eau pour les éléphants a l'intelligence de confronter crûment l'époque (la Grande dépression) avec les lumières éclatantes de la piste ensablée.
La première personne à remercier, c'est sans doute la femme du réalisateur Francis Lawrence qui ouvrit un jour le roman de Sara Gruen, et conseilla à son naturophile de mari, de l'adapter. Déjà familiarisé avec les chiens de Je suis une Légende, le réalisateur ne fit ni une ni deux et décida de s'attaquer au plus gros mammifère terrestre : l'éléphant. Beau morceau.
Très fidèle à l'oeuvre originale, best-seller aux États-Unis, on peut cependant reprocher au film un manichéisme un peu sommaire, heureusement nuancé, ultra sensible et perfectionniste, par la partition impeccable de Christoph Waltz. Il parvient à peaufiner son personnage pervers et tyrannique de Hans Landa dans Inglorious Basterds, lui apportant une dimension humaine, tout en conservant l'antipathie bipolaire qui le caractérise. Construit en flash-back, De l'eau pour les éléphants est d'abord bien sûr un drame romantique, un triangle amoureux : qui Marlene choisira -t-elle, du beau mais pauvre Jacob au riche mais menaçant August ? On ne vous raconte pas la fin, c'est inutile. Robert Pattinson, ici tendre, cultivé et viril, prolonge son image de héros romantique blafard, lorgnant sur le fantôme de James Dean. Reese Witherspoon joue la gymnaste snob puis amoureuse. Elle a rarement été aussi sympathique et touchante. Niveau scénario, on vous le concédera, c'est bien pauvre. L'intérêt est ailleurs.
Le film est axé autour de deux pôles : d'une part la vie du train, faisant du cirque une ville flottante sur rail, que l'on parcourt dans un sens : vers la célébrité (les artistes, les saltimbanques) ; ou dans l'autre, vers la déchéance (les techniciens, les tchécos). Quitter le train, c'est mourir physiquement, mais aussi à la gloire. Comme le dit justement le personnage de Marlene l'écuyère « Dehors, je ne suis rien ». Le cirque est un État souverain qui a son propre système d'immigration (d'assimilation).
D'autre part, le cirque sous son chapiteau, avec ses relations houleuses entre « les saltimbanques » et « les tchécos ». Les coups bas, les antagonismes, les ambitions de chacun font de la toile colorée un magnifique décor pour vivre ou mourir. À l'image de ces cirques agonisants dans leur poussière, et qui se font racheter par morceaux, le pays entier part à la dérive, noyant sa dépression sous le flot d'alcool de la Prohibition. C'est l'histoire d'un pays qui se désagrège à travers l'image d'un cirque sur le chemin du désastre. Avec ses hypothèques, ses affamés, ses expropriations, cette survie des précaires, on voit même l'écho à notre époque.
Passion tragique et romance naïve, le film est donc en conclusion un bon moment de cinéma idéal, rêvé, peu métaphysique, mais appétissant. Les jeux de lumière sont sophistiqués, la musique un peu trop appuyée. De quoi offrir un spectacle à l'ancienne, non dénué de charmes : En piste !
Mathilde
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