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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Omar m'a tuer
France / 2011
22.06.2011
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LA FAUTE
«- Je le ménage. C’est la première fois que je défends un innocent.»
L’attrait de Roschdy Zem pour l’une des affaires médiatico-judiciaires les plus retentissantes des années 90 – l’affaire Raddad, du nom de ce jardinier marocain accusé puis condamné en 1994 pour le meurtre de son employeur, Ghislaine Marshal – nous semble évident d’un point de vue humain, cinématographique, dramatique. Pour sa deuxième réalisation après le sympathique Mauvaise foi, l’acteur réalisateur nous livre un film d’école. Entendez par là un film au ton académique, didactique et sans réel prise de risque en matière de mise en scène. Ce n’est pas un tort, ni vraiment un défaut. Il s’agit d’un choix. Choix délicat puisque proche de la faute de ton entre l’énoncé et la façon dont celui-ci est mis en image. Contrairement aux propos tenus par Roschdy Zem, l’exigence d’objectivité fait défaut. Dans les faits, le cinéaste prend parti. Là encore c’est son droit le plus strict. Celui d’un artiste engagé, interloqué par les nombreuses incohérences d’une enquête bâclée autour du seul coupable désigné par la victime en lettres de sang : OMAR M’A TUER.
Or, et contre toute attente, le cinéaste nous livre un long-métrage cadré du type "compte-rendu". Traversé, il est vrai, de quelques inspirations. Mais la place au doute se fait rare. Trop sans doute pour créer l’ambiguïté nécessaire autour d’un fait divers à la scénarisation diabolique, implacable, presque irréelle. Omar Raddad devait être le coupable. Tout l’accablait : désigné, parlant mal le français, jouant au jeu d’argent, maghrébin. Tout est trop gros semble nous dire Roschdy Zem. Alors que fait-il ? Il dramatise le cas d’Omar Raddad en préférant se concentrer sur l’homme bafoué dans sa vérité plutôt que de dénoncer frontalement les dérives judiciaires de l’affaire. Il vide en partie la substance politique qui aurait fait du film un pamphlet contre les idées reçues, les bouc-émissaires faciles, les candidats condamnés à la vindicte populaire par des médias complices.
Afin de se sortir du piège de la caricature d’un homme brisé enlevé à sa famille, Roschdy Zem scinde son film en deux temporalités. Le temps Omar Raddad (interprété magistralement par Sami Bouajila) entre arrestation, reconstitution, procès et prison, et le temps Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Denis Podalydès, à l’aise) écrivain convaincu de l’innocence de Raddad et qui va mener sa propre enquête. Personnage fictif inspiré de l’écrivain Jean-Marie Rouart, il sert de contrepoint romancé à l’innocence de Raddad. Plus les preuves d’un défaut dans le travail d’enquête s’accumulent, plus nous compatissons pour le condamné à tort. Le procédé, limite intellectuellement, n’apporte rien en termes d’ambiance, d’immersion ou de dénonciation. Il aurait fallu faire un choix, un vrai, entre la reconstitution minutieuse des évènements - ainsi beaucoup mieux « historicisés » - et l’enquête a posteriori d’un homme de lettres s’improvisant journaliste détective.
Si Omar m’a tuer n’est pas un coup dans l’eau, il ne possède pas cette prise de risque de cinéaste osant triturer le fonctionnement judiciaire, médiatique et social d’un pays par ses faits divers. Le film reste intéressant parce que l’affaire Omar Raddad est en elle-même passionnante, dérangeante, peut-être injuste, sans doute encore bien mystérieuse. Peut-être que le film n'est tout simplement pas assez percutant au motif qu'il n’arrive pas à retranscrire viscéralement les contradictions autour d’un nom écrit dans le noir par une femme agonisante.
geoffroy
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