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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le moine
France / 2010
13.07.2011
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DES HOMMES ET DES DIABLES
"- Satan n’a que le pouvoir qu’on veut bien lui donner.
- C’est si simple que ça ?
- oui."
L’homme qui parle, convaincu de pouvoir garder le mal à distance par la simple force de sa volonté, c’est le père Ambrosio, un religieux à la limite du fanatisme qui s’y connaît, dit-on, pour ramener les pêcheurs sur la voie de Dieu. Un homme qui n’a jamais rien connu d’autre que le monastère devant lequel il fut abandonné, encore bébé, et qui, de fait, a renoncé a priori à un monde qu’il n’a pas eu le loisir de connaître. Dès qu’il prononce ces paroles toutes pleines de suffisance (dans la première scène du film, faites de gros plans en clair obscur sur le visage illuminé de Vincent Cassel en train de confesser un dépravé), on devine que le diable ne tardera pas à se manifester. Intuition rapidement confirmée par les suspicions du vieux père et par la succession d’événements inhabituels autour de la communauté religieuse. Mais Ambrosio, lui, ne voit rien venir. Pire, il se jette tête baissée dans les pièges les plus grossiers. S’ensuit alors un vrai faux thriller cousu de fil blanc qui met le spectateur mal à l’aise tant il semble caricatural, prévisible et poussif.
On est même gêné pour Dominik Moll, qui, en son temps, n’avait pas son pareil pour créer des atmosphères ambigües et anxiogènes. Là, il compense le manque de consistance de son intrigue par un esthétisme tape à l’œil et des procédés cinématographiques dénués de sens. Ainsi ces surimpressions d’images et ces fermetures à l’iris qui donnent au film de faux airs de bande-dessinée enfantine, alors que le décor renvoie aux plus belles heures du gothique flamboyant. Ni l’image ultra contrastée, ni la multiplication des plans rapprochés ne parviennent à faire oublier la pesanteur d’un récit qui se traîne, encore ralenti par des intrigues parallèles prétextes à quelques maigres et artificiels rebondissements.
Alors que l’on devrait être dans un pamphlet venimeux, voire dans une satire grinçante, Le moine s’avère une farce qui vire un peu trop facilement au tragique. Dominik Moll, il est vrai, avoue avoir "arrangé" le roman gothique de Matthew G. Lewis pour en faciliter l’adaptation. Il l’a donc expurgé d’une partie de sa noirceur (le personnage d’Ambrosio devenant un être sincère et amoureux, au lieu d’être un hypocrite vaniteux et pervers) et a réduit l’histoire de Sœur Agnès et de son amant à un épisode anecdotique dans la vie du moine.
Seul le contexte religieux reste le même, dans une Espagne si obsédée par le mal qu’elle ne remet en cause ni l’existence du diable, ni l’étendue de ses pouvoirs, mais qui est incapable de le reconnaître lorsqu’elle le croise. Le diable est habile à se dissimuler, pensez-vous ? Dans Le moine, pas du tout, puisqu’il prend immanquablement la forme d’une femme tentatrice aimant se promener dans les cimetières la nuit. Mais sans doute ne faut-il pas chercher à creuser trop profondément la trame pseudo mystico-historico-gothique du scénario. Car ce n’est pas le genre lui-même qui est en cause, mais plutôt l’interprétation premier degré qu’en fait Dominik Moll, comme s’il s’était laissé envahir par le manichéisme simpliste de l’époque, jusqu’à produire un film douloureusement binaire, linéaire et facile.
MpM
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