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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The future
USA / 2010
17.08.2011
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LE PREMIER JOUR DU RESTE DE MA VIE
"C’est trop tard pour nous !
Miranda July, dont on avait tant aimé Me And You And Everyone We Know, revient avec un film générationnel troublant et doux amer qui croque, parfois avec férocité, les doutes existentiels des trentenaires flippés des années 2000. A travers le destin particulier de Sophie et Jason, couple a priori banal, la cinéaste fait le portrait sensible, mais réaliste, d'une époque où les priorités de vie ont été tellement bouleversées par la profonde mutation de la société (il n'est plus nécessaire de s'engager formellement, il ne va plus de soi d'avoir des enfants, etc.) que l'on finit par ne plus savoir ce qui compte, et ce qui est accessoire.
Cela donne une démonstration habile, loin de tout pensum théorique, où les personnages servent en quelque sorte de couple "témoin" poussant à son paroxysme l'expérience du libre arbitre et de la recherche d'épanouissement. Miranda July invente ainsi des situations réalistes teintées d'humour et de gravité où, paradoxalement, s'invite peu à peu une certaine dose de fantastique. Cela permet au spectateur à la fois de ressentir les doutes des personnages (ou au moins de leur trouver des équivalents dans son existence) tout en gardant une distance salutaire. Cette volonté de parler par symboles (celui du chat, celui du Tshirt, celui de la danse) offre en effet au film une portée plus universelle, tout en lui conférant une personnalité intelligemment atypique.
En effet, fidèle à ses habitudes d'artiste polyvalente indépendante, la réalisatrice n'hésite pas à essayer et à expérimenter. On sent poindre dans son écriture une liberté de ton qui ne s'embarrasse d'aucun préjugé narratif. Cela peut parfois être déconcertant, ou même sembler maladroit, mais cette fantaisie permet au film et surtout au récit de s'extraire d'un certain formatage, dans la mesure où ce qui arrive n'est jamais prévisible. Au contraire, il plane sur The future une étrangeté diffuse. Peut-être parce que le chœur est matérialisé par un chat, cette drôle de fable tragique n’essaye pas tant d’être plaisante que de suivre sa propre voie.
La réflexion sur le monde tel qu’il est se teinte donc parfois d’une certaine cruauté, d’une joie presque enfantine, mais douloureuse, à casser les fantasmes qui nous protègent. Sous la caméra de Miranda July, la liberté devient par exemple effrayante, comme un vide qui dévore peu à peu les êtres, leur faisant perdre substance et énergie. Internet est également épinglé comme une nouvelle source de contrainte et de pression qui met chacun face à lui-même en lui renvoyant les images démultipliées des autres. Quant à l’utopie du nouveau départ, elle est joyeusement pulvérisée. Heureusement, le deuil est à la fois salutaire et jubilatoire : après avoir enterré ses rêves impossibles, on se donne les moyens de réaliser ses désirs réels. Et si finalement, le futur commençait aujourd’hui ?
MpM
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