Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Un tigre parmi les singes (Gorbaciof)


Italie / 2010

14.09.2011
 



L'ENVERS DU JE





L’histoire est rebattue. Vue mille fois. D’amour et de jeu, elle réunit deux êtres que tout oppose. D’amour et de jeu, elle nous inonde par sa routine ou seule l’échappatoire serait de mise. D’amour et de jeu, enfin, elle doit finir mal. Un tigre parmi les singes ne cherche pas l’esbroufe d’un cinéma stylisé et pose, au contraire, un regard froid, presque lancinant, sur les démons du jeu dans son accomplissement désocialisant. Le cinéaste, Stefano Incerti, tout en usant d’une certaine malice, arrive à nous surprendre. Pour deux raisons essentielles : le ton adopté et le choix de son acteur pour l’incarner.

L’intrigue est classique. Le ton, non. Très visuel, usant peu, voire pas du tout, de séquences dialoguées, il installe une musicalité toute particulière. Ainsi les faits et gestes de Gorbaciof captent l’attention du spectateur avec une intensité remarquable, imposant son empreinte dans l’espace comme, jadis, les personnages des films muets. S’il balbutie quelques mots, bien souvent lapidaires, celui-ci reste inexorablement prisonnier de ce corps impassible, rentré, un brin désabusé. Son cheminement personnel entre les parties de poker, son travail à la prison et les dettes qui s’accumulent, n’y est pas étranger. Mais rien n’est jamais définitif. Comme cette promesse d’amour. Ce lendemain des possibles. Cette respiration hasardeuse. Une telle contradiction rythme le film, lui donne son empreinte, sa couleur, son style.

Et de style, le film n’en manque pas. Impossible dès lors d’occulter la performance de Toni Servillo, gueule mutique impeccable dans son rôle de petit comptable de prison n’hésitant pas à « taper » dans la caisse. L’impassibilité de ses traits nous fait penser à son personnage dans Les conséquences de l’amour (Paolo Sorrentino, 2005). Ici, il incarne un antihéros forcément attachant car emprunté, silencieux, seul, un peu voleur et bagarreur. La romance sonne alors comme une chance. Si elle ne l’aide pas à vaincre le démon du jeu, elle en édulcore la portée. Le film, tout en gardant son inventivité de mise en scène, déplace son centre de gravité pour nous narrer la trajectoire d’un homme à la croisée des chemins.

En vérité, Un tigre parmi les singes n’est pas un film de gangsters, ni une réflexion sur l’enfer du jeu. Il s’agit d’un portrait singulier modelé par les silences de Gorbaciof et les regards qui s’y perdent.
 
geoffroy

 
 
 
 

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