|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Le cochon de Gaza (When Pigs Have Wings)
France / 2011
21.09.2011
|
|
|
|
|
|
TRANCHES PLUTÔT ÉPAISSES
Comédie sur le conflit israëlo-palestinien, Le Cochon de Gaza offre un regard tendre sur la vie quotidienne des habitants du pays. Mais la récurrence de certains gags lourds nous interroge sur la légitimité du réalisateur.
Sylvain Estibal, réalisateur français, a décidé de poser un regard international sur un problème qui ne l'est pas moins : comment vivre ensemble, en ennemis contraints à cohabiter dans un pays en guerre latente... Et pourquoi pas autour d'un tabou ultime, le cochon ?
L'absurdité du sacrilège, des voies pour le contourner et de la situation politique étaient trop belles dans leur simultanéité pour laisser passer l'occasion. Voici donc Jafaar, pauvre pêcheur palestinien, qui se trouve en possession d'un cochon tombé dans ses filets de pêche comme une sirène velue et grognante. Comment pourrait-il en tirer parti ? Et ne serait-ce pas un moyen, paradoxal, pour se rapprocher de la communauté juive ?
Le film comporte des ingrédients qui permettent de s'enthousiasmer : une photographie lumineuse et réaliste, un scénario surprenant, des acteurs justes jusque dans l'absurde. La reconstitution du quotidien-système D constitue une véritable réussite (locomotion, habitat, archaïsme des administrations au check-point...). Le réalisateur a su capter le surréalisme des peuples qui s'arrangent pour se battre et cohabiter en s'ignorant : ainsi dans la scène où Fatima, la femme de Jafaar (ici jouée par Baya Belal) regarde une série télévisée avec un soldat du Tsahal – posté en faction sur son toit- et se rend compte que celui-ci connaît également tous les personnages de l'émission.
Le cochon en lui-même, trimballé, caché, déguisé en mouton, constitue un ressort intéressant de l'histoire et matérialise l'ambiguïté des rapports entre les humains (dégoût, ignorance, crainte mystique). Au bout du compte, quand est l'objet de la peur est mis sous la lumière, on se rend compte qu'il ne s'agit que d'un homme. Ou d'un cochon.
Cependant la simplicité de certains raisonnements et la lourdeur de quelques gags viennent plomber l'ensemble. D'une part, le trafic de sperme de porc entraîne une suite de situations plus ou moins drôles et fines, et qui confinent parfois à de la pure gauloiserie (pas dans le bon sens du terme).
D'autre part, ce film plein d'espoir ne suffit pas à nous faire croire qu'il suffit d'un animal interdit, d'une mer à traverser et d'un concours de danse hip-hop pour résoudre une guerre, et vivre ensemble. Cette problématique d'un sujet traité par une personne extérieure au conflit pose donc cette question cruciale : qui peut traiter un tel sujet, et dans quelle mesure ? Car si les gags, intentionnellement provocateurs, caresse dans le mauvais sens du poil porcin, on se demande si les premiers concernés oseront pousser les portes des salles obscures. On souhaite cependant à cette tentative courageuse de trouver un public nombreux, pour toujours plus de débats humains. Et on ne pourra de toute manière pas rester insensible au charme musical de la partition de Boogie Balagan.
mathilde
|
|
|