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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Another silence
France / 2010
19.10.2011
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DIE AND LET LIVE
"Je n’ai plus de raison de vivre"
Another silence n’est pas un film de vengeance traditionnel, de même qu’il n’aborde pas la question du deuil de manière classique. Pourtant, il est un peu des deux, parcours initiatique aux accents de thriller, tendu et anxiogène, où la violence se manifeste par éclats saccadés et brefs laissant entr’apercevoir la douleur incommensurable qui anime l’héroïne. Les paysages argentins, dont la beauté coupe le souffle au sens propre comme au figuré, forment le décor idéal pour ce travail de reconstruction et d’acceptation qui suit toujours la mort d’êtres chers. Les montagnes majestueuses et les plaines désolées se font ainsi l’écho de ce vide intérieur que rien ne peut combler, et en même temps ils mettent en perspective une douleur intime sans cesse sur le point de se radicaliser.
Santiago Amigorena filme avec retenue et sobriété ce polar économe de mots et d’effets, road movie au ralenti, où les rares paroles prononcées sont lancées comme des couteaux, perçants et acérés. Marie, brillamment interprétée par une Marie-Josée Croze au visage fermé et durci, ne s’épanche jamais sur son sort, pas plus qu’elle ne lie de liens affectifs avec ses rencontres de passage. Absente aux autres et à elle-même, elle recherche presque plus l’assassin de sa famille par besoin d’avoir un but à poursuivre que par réel désir de vengeance. Pourtant, dans chacun de ses gestes et de ses regards, même dans la manière qu’elle a de mouvoir un corps qu’on sent trop lourd pour elle, s’affirme une volonté inébranlable, quasiment inhumaine dont on devine qu’elle est la dernière chose qui la sépare de la mort.
Mais si ce personnage de femme détruite séduit autant, c’est parce que tout s’agence pour accompagner son parcours sans pathos ni effets inutiles. Santiago Amigorena prend en effet son temps pour dérouler un scénario en permanence sur le fil, entre quête et enquête, et surtout entre violence intérieure et extériorisée. Plus l’intrigue avance, plus on est dérouté par ce rythme lent qui tient malgré tout le spectateur en haleine. On tremble autant pour l’héroïne que pour le film, qui n’est jamais loin du cliché. Mais il ne bascule jamais, inventant avec son propre ton un chemin de traverse entre polar brut et tragédie contemplative. Ici, ni rédemption, ni catharsis, juste le récit simple et épuré de vies irrémédiablement brisées.
MpM
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