Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Poulet aux prunes


France / 2011

26.10.2011
 



VIOLON DINGUE

Le livre Bye Bye Bahia



« En venant, j’ai vu qu’il passait un nouveau film au Persépolis. »

Le nouveau conte iranien de Marjane Satrapi et Vincent Parronaud remonte le temps. Nous voici à la fin des années 50 à Téhéran. La pression politique est extérieure (les Américains colonisent le pays) et non plus intérieure. Mais ici nul prequel à Persépolis, même si la généalogie s’y croise. Les deux réalisateurs ont opté pour un style visuel radicalement différent, passant de l’animation aux prises de vues réelles. Un cinéma en noir et blanc fait place à une image aux couleurs très accentuées.

Certes, les personnages, touts droits sortis de l’univers BD de Satrapi, conservent une part de fantasque, mais c’est bien le mélange des esthétiques qui forment la véritable audace de Poulet aux prunes. Cette face macabre (on suit les sept derniers jours d’un homme qui se laisse mourir, il y a plus joyeux a priori) va donc passer par toutes les genres : mélo sentimental, drame passionnel, comédie, parodie, fable… Car il s’agit bien d’une histoire fabuleuse, celui du destin tragique d’un violoniste qui perd son don de musicien et se retrouve anéantit par une simple rencontre dans la rue.

Poulet aux prunes ne manque donc pas d’ambitions, croisant les références à Hitchcock, Minelli, Sirk, Wyler… Il reprend les codes et les outils du cinéma de cette période là. Ce n’est pas la moindre de ses astuces. Film cosmopolite (techniquement et artistiquement), il en devient universel. Film moins politique, il brandit l’amour passionnel comme seul slogan qui peut donner un sens à la vie.

Bien sûr, il souffre de toute cette abondance, de cette générosité qui le pousse à enfler sous le poids des bonnes idées. Durant la première moitié du film, le rythme n’y est pas. Ou plutôt on fait le grand huit entre des moments pesants et des scènes plus virevoltantes, des instants sombres, sans émotion, et des séquences drôles, efficaces. Poulet aux prunes cherche sa tonalité. Désespérément mélancolique dans l’ensemble, il s’offre des étincelles avec quelques incursions dans le futur. Ainsi les séquences avec Chiara Mastroïanni (la fille du violoniste) sont d’un humour féroce, et le pastiche de sitcom concernant son frère se moque ouvertement d’une civilisation factice créé pour la télé. On est proche de la totale hilarité, tant le délire pousse loin.

Et puis il y a les flash backs : le passé de cet égoïste de violoniste. Ces retours dans le passé permettent de nuancer les traits caricaturaux de chacun. Au fil de l’histoire, chacun s’humanise, plus personne ne devient détestable. Complainte d’une vie gâchée.

Mais il reste ce déséquilibre narratif pour nous transporter. Les allégories ne nous emballent pas toutes, même la jolie histoire animée de l’Ange de la mort. Le temps, distordu, ne trouve jamais sa parfaite harmonie, trop manipulé. Toutes ces cassures font prendre conscience qu’il manque une substance.

C’est là que Poulet aux prunes va nous surprendre. Là où, dans la BD, le final tenait en quelques pages, le film va se métamorphoser en un long travelling temporel. Nous avions quelques indices disséminés, quelques bribes éclairant certaines zones d’ombres : tout va enfin s’éclairer. Quasiment sans paroles, l’image devient musicale, accompagnée d’une trame sonore sublime, et nous emmène dans une grande histoire d’amour. On s’envole, et cinématographiquement ces vingt dernières minutes écrasent tout le film. Un effet papillon qui emporte tout sur son passage. On boucle la boucle et on comprend mieux les intentions et la tragédie de cet artiste dont la seule malédiction aura été d’avoir pactisé avec un violon au lieu de transgresser les interdits et de vivre un amour absolu.

Malgré les maladresses de Poulet aux prunes, il reste une saveur exquise, une odeur délicieuse. Celle des bons plats faits maison. Avec un peu d’épices pour nous dérouter.
 
vincy

 
 
 
 

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