Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La couleur des sentiments (The Help)


USA / 2011

26.10.2011
 



RACES AGAINST THE MACHINE





« Séparés, mais égaux. »

Les mélos sont souvent kitsch. Les mélos qui se teintent de bons sentiments pour des grandes causes, ça vire même à la guimauve. Pourtant La couleur des sentiments, adaptation d’un best-seller mondial, ce qui n’est pas forcément un gage de qualité au départ, n’a pas ces défauts. On peut lui reprocher un classicisme hollywoodien, un formatage narratif, une absence d’audace cinématographique, cela reste un bon film, reposant sur une histoire solide et un sous-texte politique intéressant. D’un côté des bourgeoises réacs, de l’autres des servantes indignées. Et au milieu, deux femmes qui essaient de faire avancer une même cause.

La couleur des sentiments a le mérite, comme Hairspray si l’on prend une référence récente, de montrer à quel point la ségrégation raciale aux Etats Unis jusque dans le début des années 60, n’avait rien d’un mythe, un siècle après l’abolition de l’esclavage. Ce mélange de racisme ordinaire et d’esclavagisme déguisé, de domination des uns et de soumission des autres, choque toujours autant, malgré l’aspect factice de cette Amérique d’après guerre : belles maisons, brushings impeccables, robes bien propres, luxe matériel… Une blanche fait exception (Emma Stone, RAS) : l’héroïne, celle qui va faire le lien entre le passé et l’avenir, les noirs et les blancs, le Sud rétrograde et New York la moderne. On le devine tout de suite, un peu trop facilement, tant elle se différencie : cheveux frisés, vêtements ternes et sans couleurs pastels, diplômée et ambitieuse. Au milieu des chipies, elle détone. Sorte d’Erin Brokovitch défendant la minorité face à sa propre caste.

Car ce film n’est rien d’autre qu’un Desperate Housewives sixties, avec son lot de garces se plantant des couteaux dans le dos. Pimbêches immondes, elles aiment humilier, rejeter, et refusent toute responsabilité au nom d’un ordre ancien. De l’autre côté, les « bonnes » n’ont ni salaire minimum, ni sécurité sociale, ni traitement de faveur. Il faut des petites doses d’humour, des absurdités bien désignées, de l’ironie pour ne pas sombrer dans un raisonnement simplement binaire et dans un pathos qui aurait été destructeur pour le film.

Tout est nuancé autant que appuyé. L’hypocrisie et la cruauté font oublier la caricature de la salope blanche suprême (Bryce Dallas Howard, à baffer tant elle est bonne dans ce registre). D’autres scènes, plus excessives, donnent du relief (la tarte au chocolat deviendra certainement culte en tant que running gag). Parfois cet excès déséquilibre aussi le propos : la « méchante » subit ainsi les pires revanches (herpès, alcoolisme, …) là où aurait suffit une dénonciation publique… L’exagération transforme le film en soap-opéra pas comique, sorte de Télénovela sudiste où l’affranchissement des victimes sert de happy end, davantage que la remise en question des coupables.

« Feel good movie » par excellence, du désespoir à la renaissance, on comprend vite pourquoi le livre a attiré les producteurs hollywoodiens. Puis le public nord-américain, qui se souviendra surtout de Viola Davis, bouleversante, et de Jessica Chastain, émouvante. Les deux parias volent la vedette à toutes les autres.
 
vincy

 
 
 
 

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