|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Intouchables
France / 2011
02.11.2011
|
|
|
|
|
|
IRRESISTIBLES
On pouvait craindre le pire. Un mec des banlieues (casier judiciaire pas vierge, famille nombreuse, barres HLM, joints et autres lascars) face à un tétraplégique millionnaire des quartiers chics (armée d’assistants, musique classique, art contemporain). Nakache et Tolédano, à partir d’une histoire vraie, nous conte une fable des temps modernes où les contraires ne s’opposent puisque l’union fait la force.
Le film oscille ainsi entre deux humours, celui un peu sarcastique du personnage de Cluzet, parfait, et l’autre plus « vanneur » d’Omar Sy, plus qu’excellent. Sans explication, on comprend vite ce qui les attire, ce qui leur permet de tisser les liens essentiels et nécessaires pour que l’utilité de chacun apporte à l’autre ce qu’il faut pour redresser la tête. Deux personnages en quête d’hauteur, de dignité, de respect, avec leurs propres méthodes. Deux abandonnés : l’un seul sur son fauteuil et dans sa tête, l’autre sans famille ni domicile.
Le scénario, sans être fondamentalement original, ne présente pas de défauts. L’histoire tend vers le meilleur happy end possible, sans forcément résoudre tous les conflits qui menacent l’environnement. Deux séquences de montage pour faire filer le temps un peu plus vite n’empêchent pas de s’attarder sur les relations humaines. Irrésistibles a cette rareté dans la comédie française de laisser respirer ses protagonistes et de mettre en lumière des seconds rôles merveilleux, avec au premier rang Anne Le Ny.
Surtout, grâce à l’humour conjugué des deux acteurs, leur charisme et leur aisance, le film rejette toute forme de pathos. La douleur existe, on sent la souffrance, mais l’hymne à la vie l’emporte. Cela donne au choix des scènes allégoriques comme le saut dans le vide en parapente, métaphore ambivalente qui donne du souffle à leur épopée. Ou des moments plus cocasses, plus classiques aussi, où Cluzet devient un objet de gag malgré lui. Enfin, cela permet des situations où les deux univers contrastés font des étincelles avec naturel, et notamment la soirée d’anniversaire de Cluzet, où l’on passe d’un best-of de musique classique assassiné par les vannes de Sy à une danse collective sur Earth Wind and Fire. Il n’a beau plus bouger, le millionnaire handicapé revit enfin en voyant ces jambes se mouvoir sur les rythmes soul.
Car c’est ce qu’il faut retenir du film : l’humour rend intouchable, la franchise rend invincible mais le regard d’un homme sur un autre peut trahir. La force de leur liaison réside dans l’absence de pitié et la compassion non forcée de cet assistant athlétique et banal venu des cités.
Et non seulement il n’y a aucun pathos, non seulement l’alchimie fonctionne tout de suite grâce à un prologue bien choisi, mais en plus les auteurs ont réussit ce pari difficile de faire rire sans nous faire trop pleurer, de nous y faire croire, avec une certaine légèreté.
Il ya derrière cela un travail d’écriture, de découpage, de direction d’acteurs, mais aussi une envie de mise en scène où les poursuites en voiture s’enchaînent avec un portrait social, certes un peu effleuré, et des images sans paroles. Même le final se passe de mots : juste un regard, un geste de la main. Il y a une maîtrise dans l’épure de la comédie, précieuse car pas si courante dans notre cinéma.
Bien sur on gardera en souvenir des répliques hilarantes, l’émotion de voir tant de générosité et de solidarité possibles. Ce film nous fait entrer dans un Wonderland où le boogie est le maître mot. Mais après tout, ce parapente qui l’a rendu tétraplégique, et qui va le faire revivre à l’intérieur de son corps, n’est-ce pas de la terre, le vent, le feu ? Tout ce qu’il faut pour se sentir vivant. Malgré l’adversité, le mauvais sort, la solitude. Et une fois qu’on est là haut, on est bien intouchables.
vincy
|
|
|