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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Contagion
USA / 2011
09.11.2011
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EXPERIENCE ALCHIMIQUE
"Ne parlez à personne. Ne touchez personne. C'est le principal."
Sur le papier, l'idée était formidable. Prendre une belle brochette d'acteurs connus et les confronter aux affres d'une mystérieuse épidémie ravageant la planète toute entière, dans le plus pur style des films catastrophes des années 70. Tous les thèmes chers à Soderbergh se trouvaient réunis : approche documentaire, théorie du complot, suspense anxiogène... et même tableau sans concession de l'industrie pharmaceutique.
Las, soucieux de réitérer l'exploit de Traffic, le réalisateur se prend les pieds dans le tapis avec un film aux ambitions ultra-réalistes qui n'a rien à raconter de plus que ses prédécesseurs sur le sujet d'une épidémie mortelle exterminant l'espèce humaine. Il a beau multiplier les personnages et les pays, tenter d'adopter différents points de vue, et sur-découper son récit, il ne livre au final qu'un objet froid et légèrement ennuyeux au scénario formaté. Même l'ambiance n'est pas au rendez-vous. On attendait un crescendo dans l'angoisse et la paranoïa, et l'on se retrouve avec une progression dramatique qui atteint très rapidement ses limites.
La construction chronologique (jour par jour) prive également l'intrigue de consistance. A force de passer de l'un à l'autre, on n'a ni le temps de s'attacher à eux, ni le loisir de les restituer dans un tout plus global. Soderbergh n'exploite pratiquement aucune des bonnes situations de départ (le mari immunisé, le blogueur manipulateur, la jeune fille confinée...) et laisse même certains personnages en plan au beau milieu de l'action (celui de Marion Cotillard, notamment). A vouloir inclure trop de données, il se perd dans un catalogue des "réactions en temps de crise", où chaque personnage est réduit au statut d'archétype vite esquissé.
Ca aurait malgré tout pu faire un divertissement de bonne facture si les séries télévisées n'étaient pas passées par là avec leur rythme trépidant, leurs rebondissements incessants et leur faculté à explorer toutes les angoisses humaines. En effet, comment ne pas penser à l'excellent Regenesis dont l'épisode fondateur imaginait le même type d'épidémie incontrôlable ? A côté, Contagion fait l'effet d'une série B bricolée à la hâte et surtout sans imagination. Car à l'exception du blogueur influent incarné par Jude Law, plutôt bien écrit, Soderbergh n'invente pas grand chose de neuf. Comme s'il s'était laissé piéger par sa volonté de coller le plus possible au réel, au détriment de toute concession narrative. La démarche en elle-même était intéressante, mais il aurait alors fallu la pousser à son paroxysme, et supprimer tout artifice. Hésitant entre des partis-pris diamétralement opposées (radicalité / classicisme), le réalisateur s'est fourvoyé dans un entre-deux qui n'est que l'ombre tremblante du grand film attendu. MpM
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