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L'EDEN, C'EST LES AUTRES
"- Je vais vous mordre au mollet, vous allez voir si vous êtes calme! "
Héritiers de Sautet et Allen, collaborateurs de Resnais et Klapisch, multi-césarisé, les "Jabac" (Jaoui-Bacri) ont signé là une oeuvre intime et douce, juste et amère, profonde et légère. Le Goût des autres est un oeuvre de coeur, faîte en choeur. Une lumière du jour pour les âmes solitaires et urbaines que nous sommes. car si le film respire l'atmosphère la troupe, au sens théâtral du terme, les personnages mettent en exergue une solitude réelle, et des manques affectifs terribles.
C'est un film sur la séduction, et ses échecs. Sur toutes ces petites lâchetés qui nous brident notre élan de générosité, d'altruisme. Une histoire où chacun est complice des destins de Clara, Castella, Deschamps, Manie, Moreno, Véalérie, Angélique, Antoine, Weber, Benoît... On les aimes tous. C'est de nous dont on parle. Parce qu'ils ne sont ni aux normes ISO 2001, ni zéro défaut, ni côtés au CAC 40. C'est dans leurs failles qu'on devine leur humanité. Et ce simple constat, lucide, ce sens de l'observation, mêlé à une importante influence de la psychanalyse, nous conduit à porté un regard optimiste mais triste, disons mélancolique mais plein d'espoir, sur l'Homme. le contraste entre les détails, les anecdotes (quelques bons mots émaillent de dialogues réalistes) et cette ambiance enfumée et sombre font évidemment penser à ces chansons de variété française (Berger, Clerc, Barbara, Brassens...) qui racontaient des choses graves sur des airs enjoués...
Car rien n'est simple, et il n'y a bien aucun schéma pour apprendre à être meilleur, à se sentir mieux. Certains y parviendront - ceux capables d'assumer des sacrifices - et d'autres échoueront - ceux qui persévréant dans leur intégrité extrême. Ni l'intelligence, ni l'argent en sauve de la bêtise et de la tromperie chacun des personnages, qui bâtissent des a priori sectaires. Ni le mensonge, ni la franchise ne sont les bonnes solutions pour communiquer, pour établir des ponts. Mais l'écoute de l'autre, et l'écoute de soi-même, contribuent fortement à surpasser le mépris de l'autre, la frontière invisible entre les différences (sociales, culturelles, humaines). Les petites lâchetés et les erreurs anodines ne peuvent être rachetées que si l'autre est capable d'accepter, de pardonner, et donc de comprendre...
Le Goût des autres porte bien son titre. Qu'on soit amoureux aveugle ou méfiant de nature, qu'on soit système D ou trop honnête, qu'on subisse les caprices de sa femme ou qu'on décide des choix de l'autre, il est impossible de détester qui que ce soit. Si personne ne regrette rien (comme dans la chanson de Piaf), le meilleur comme le pire, ceux qui payent sont les plus égoïstes. ce qui ne signifie pas qu'ils n'ont rien à donner, mais ils ne savent pas comment l'exprimer.
Au delà des thèmes inhérents à son écriture(exclusion, incompréhension, relations amoureuses, blocages sociaux, ghettos, incommunicabilité des êtres, métissage de notre société), Jaoui s'attarde, tout en conservant le rythme agréable d'une chansonnette avec un refrain qui entête, sur les jeux de mains et les visages de ses acteurs (tous avec mention parfaite), sur ces quarantenaires qui vivent, aiment, se déchirent et se désirent... Le film "anti-tendance" par excellence. Ce côté hors-mode le rend universel. Comme une pièce de théâtre de Racine... Pradoxalement, ce film de cinéma donne l'envie d'aimer le théâtre ; le chemins se croisent...
Elle a voulu nous séduire et nous montrer sa vérité, nous faire partager ses goîts, et ses couleurs; même si tout cela rend un peu triste et gai à la fois, nuanciér du gris clair au gris foncé. Un peu comme cette phrase extraite du film, drôle à entendre mais pas joyeuse à dire : "It is raining like vache qui pisse." vincy
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