Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Or noir (Black Gold)


France / 2011

23.11.2011
 



THERE WILL BE BLOOD (AND MONEY)





«- Alors c’est ça la guerre ? Ce qui inspire tant d’épopées ?»

Le désert. Des batailles tribales entre bédouins et montagnards. L’ingérence occidentale. Depuis Lawrence d’Arabie, les fresques épiques arabiques sont devenues une gageure pour n’importe quel cinéaste : la référence de David Lean est si écrasante. Jean-Jacques Annaud s’y est risqué avec cet Or noir, qui lui permet de renouer avec un cinéma-spectacle (L’amant, Le nom de la rose, Stalingrad, …). Un cinéma désuet selon certains. Ici les figurants ne sont pas des images de synthèses. Les combats ont l’air authentiques. Le scénario privilégie les dialogues et les conflits intimes à l’action et aux effets spéciaux (un peu visibles). Sans omettre la présence d’un casting international pour incarner sultans, émirs et princes arabes : un français, un britannique, un espagnol et une indienne pour ne citer que les rôles principaux. Il y a un air de vieux conte derrière cette tragédie islamo-désertique. La musique, omniprésente, de James Horner ne fait que s’ajouter au classicisme de l’ensemble.

Or noir ne manque pas de qualités pourtant. L’image est élégante. L’histoire est bien emmenée. L’humour surprend. Le sujet même est d’autant plus passionnant qu’il fait écho à notre actualité : les explications autour du Coran, et de son interprétation, la vision sur l’avenir d’une civilisation, entre un Islam éclairé et opulent et un autre très croyant et rétrograde, ou encore les enjeux du pétrole et des rapports avec les puissances occidentales, … Les bonnes intentions d’Annaud sont à mettre à son crédit. Son évocation de l’Islam n’a rien de caricatural, même si elle est parfois un peu trop dialectique.
Evidemment, le film ne repose sur aucune histoire réelle : aucun lieu, aucune époque ne sont définis précisément. On peut se douter que la tribu du Roi Amar est plutôt d’inspiration ottomane, que celle du Sultan Nessib est bédouine, que le Corridor riche en pétrole est quelque part en Arabie Saoudite. La découverte du pétrole dans la péninsule arabique à la fin des années 30 permet de dater l’histoire.

Mais en effaçant toute référence historique, Annaud nous renvoie à un genre plus romanesque. L’histoire d’un fils, partagé, et même déchiré, entre deux pères, deux conceptions de l’avenir (et du présent), deux traits de son tempérament (érudit et guerrier). Un fils enfermé qui va se libérer. Dès qu’il sort de sa bibliothèque, de ses pièces aux fenêtres à barreaux, de sa ville fortifiée, il va s’épanouir, révéler sa personnalité, se muant en chef de bandes, et même en élu miraculé (ce n’était peut-être pas nécessaire…).
Le scénario prend ainsi son temps pour nous raconter tous les méandres de cette tragédie familiale, où l’or noir, tel un poison, se transforme en sang noir. Les guerres tribales, et triviales, insuffleront de l’action pour compenser le manque de passion. Les femmes sont reléguées à leur harem ou dans leurs niqabs. Freida Pinto hérite d’un rôle ingrat, au comportement peu crédible.

De blindés en avions, de chameaux en en coups de sabres, les armes de destruction varient. Annaud s’y attarde peu. Un service minimum presque salutaire quand le cinéma américain joue la surdose excessive en la matière. C’est d’ailleurs ce qui est le plus attachant dans cette histoire. Non pas les péripéties belliqueuses ou cupides des uns et des autres, ni les traversées fatales du désert, ni même le soulèvement des opprimés ou les trahisons des corrompus… Or noir vaut par son personnage principal, interprété par Tahar Rahim, très juste choix : un bibliothécaire stupéfait par son propre destin (on revient au Nom de la rose). Un intello malin peu charismatique qui devient le héros du film. A l’ombre des Mark Strong et Antonio Banderas, presque à contre emploi, il prend une revanche sur un monde gouverné par l’absolu, qu’il soit religieux ou monétaire. C’est la victoire de la culture sur les puissances divines ou de l’argent.

Le final très ironique, offre un second degré presque parodique. Le manque de chair, de violence, de noirceur contribue à cette distance. Mais on peut aussi y voir une forme de cynisme. Comme pour ce « film d’antan » qui s’amuse à nous divertir avec quelques cascades, de belles images et de jolies répliques alors que nous venons d’assister à un coup d’état sanglant.
Malgré ces maladresses, et sans doute grâce à ses défauts, Or noir évite la prétention du chef d’œuvre pompeux. Annaud, comme pour Deux frères, a réalisé une fable (certes coûteuse et grandiloquente) populaire. Il ne s’agissait pas de faire un film dénonciateur, mais bien un conte séducteur.
 
vincy

 
 
 
 

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