Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les révoltés de l'île du diable (Kongen av Bastøy - King of Devil Island)


/ 2010

23.11.2011
 



À BAS L'INSTITUTION !





En voilà un film classique. Un vrai modèle du genre. Millimétré comme un hiver norvégien. Ca tombe bien puisque l’histoire, tirée de faits réels, se passe dans la Norvège du début du 20ème siècle, à l’époque où les méthodes de réinsertion pour jeunes en difficulté s’apparentaient au bagne pour mineurs. Chapitre largement méconnu de l’histoire norvégienne, l’institution Bastoy pour jeunes garçons, créée en 1900 afin de « venir en aide aux enfants négligés par leurs parents », propose des méthodes d’éducation (ici, on pourrait parler de système disciplinaire) extrêmes et rudimentaires basées sur l’ordre, l’obéissance aveugle, la délation, les châtiments et les humiliations en tout genre.

L’institution, qui a pour objectif de réfréner toute volonté d’émancipation, s’inscrit dans une géographie particulière – il s’agit d’une île – qui l’a coupe du monde extérieur. Le cadre est idéal pour façonner l’immersion cinématographique ou la déshumanisation des méthodes répond à la fragilité des gosses. Si la démonstration s’avère parfois grossière, le film ne manque ni de force, ni de sens dramatique. Et puisque la fiction sera de toute façon en-deçà de la réalité, le réalisateur norvégien Marius Holst ne s’échine pas à nous proposer un énième brûlot politique lacrymal, mais joue sur la mécanique du bouleversement par l’intermédiaire de deux adolescents. Le premier – Olav « N°5 » –, après six années de bonne conduite, est fin près pour sortir. Le deuxième – Erling « N°19 » –, tout juste arrivé, ne pense qu’à s’échapper. Leur rencontre grippera la mécanique bien huilée d’une institution subissant dans la foulée la révolte de ses enfants captifs. Nous sommes en 1915. Malgré cet événement, celle-ci ne sera fermée qu’en 1970.

Comme souvent dans le cinéma nordique, l’environnement est prépondérant. Elle cimente les relations humaines dans leurs spécificités. Ici, tout y passe avec un air de déjà vu. Peu importe puisqu’un tel classicisme est assumé. Jusque dans la mise en scène. Jusque dans les postures de chacun. Du gouverneur implacable jusqu’au déni (impeccable Stellan Skarsgard) à Olav « N°5 », jeune courbant l’échine jusqu’à l’injustice de trop, tout est cadenassé pour que le film nous marque. Et il nous marque. Un peu comme ce mouvement de fronde impulsé involontairement par un « N°19 » foncièrement égoïste.

La fin est aussi belle que cruelle. Elle nous paraît également inévitable et sonne comme une mise en garde. Mise en garde contre nous même, contre l’abus du pouvoir, le sentiment d’injustice et en faveur de cet irrépressible besoin de liberté.
 
geoffroy

 
 
 
 

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