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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Carnage
France / 2011
07.12.2011
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PETITS ARRANGEMENTS ENTRE ENNEMIS
«- La culture peut être d’une telle force pacificatrice.»
Roman Polanski aime triturer les postures, parfois cruelles, de l’être humain. C’est sans doute pour cela que le cinéaste s’est décidé à tourner Carnage, adaptation fidèle de la pièce de Yasmina Reza, le Dieu du carnage. Mais contrairement au formidable Ghost Writer, l’exercice est imposé (il s’agit de théâtre filmé). Il répond, ainsi, à l’exigence narrative d’une situation donnée dans un cadre donné. L’intérêt se trouve là ; ses limites également.
Il faut tout d’abord adhérer au genre. La scène d’introduction est, de ce point de vue, réussie. Elle matérialise dans l’action (deux gamins qui se battent) la raison pour laquelle les parents des deux enfants se rencontrent. Celle-ci légitime sans mal l’ébauche d’un règlement à l’amiable pétri d’une volonté commune (du moins au départ) d’essayer de comprendre les motivations d’une telle violence. S’ensuit, avec plus ou moins de bonheur, une variation polyphonique sur l’acte éducatif en général et le sens qu’on lui donne.
Rien ne semble acquis car au-delà des bienséances ou des sourires de circonstance se dissimulent la véritable nature humaine. Celle qui intéresse Polanski. Celle qui déborde de cynisme (Christopher Walz), de médiocrité assumée (John C. Reilly), de fausseté (Kate Winslet) et d’attitude victimaire (Jodie Foster). A ce petit jeu les quatre acteurs sont tous excellents, récitants à merveille leur partition. Roman Polanski a donc trouvé le bon tempo pour distiller cet affrontement d'egos où fusent des répliques de plus en plus assassines à mesure que le métrage avance. Dans ce huis clos de circonstance, le cynisme « burlesque », sage et appliqué des premiers échanges s’efface au profit d’une hystérie collective plutôt communicative, tombeuse de masques.
Pour autant, il manque au film de Polanski un supplément d’âme, une créativité artistique à même de déjouer les pièges d’un tel exercice de style. La mise en scène, très formaliste, est plutôt bien exécutée, assure les transitions, occupe l’espace tout en laissant les dialogues et le jeu des acteurs imprimer le tempo. Si elle tient assurément la route, elle ne casse pas non plus la baraque. Son déficit ? L’atmosphère. Son handicap ? La permissivité. Ni suffoquant, ni choquant, Carnage distille quelques bon mots entre petite cruauté et veine humiliation. Alors on rit devant le spectacle de cette bourgeoisie occidentale un peu à côté de ses pompes. Mais le huis clos, forme pourtant si bien maîtrisé par Polanski dans nombre d’œuvres précédentes (Cul de Sac, le Locataire, Répulsion, la Jeune fille et la mort), n’est pas ou très peu cinématographiquement présent, excepté les deux scènes faisant office d’ouverture et de clôture du film.
Résultat. Le vaudeville domine la dramaturgie dans un élan de théâtralisation excessif. Est-ce un parti pris du cinéaste ? Peut-être. En tout état de cause Polanski n’a pas su – ou voulu – réinterpréter les propos de la dramaturge au sens diégétique du terme. De fait, Polanski n’a rien créé, réinterprété, sublimé. Il s’est contenté d’offrir son talent de conteur au service d’une pièce de théâtre.
geoffroy
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