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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Une bouteille à la mer
France / 2011
08.02.2012
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CONVERSATION SECRÈTE
«- Le conditionnel est un temps indispensable pour un Palestinien ».
Ça commence avec un écran noir. Juste le bruit d’un café. Et puis le son d’une explosion. Un attentat qui hante. De là découle l’histoire. L’envie pour une jeune fille française, et juive, de savoir pourquoi des bombes explosent à Jérusalem, ville où elle s’est récemment installée avec sa famille. Elle écrit un message, le glisse dans une bouteille, la fait jeter à la mer, près de Gaza. En espérant qu’un Palestinien lira sa lettre.
Créer le dialogue. Tout le film est une tentative non pas à résoudre un problème historique mais à redevenir de simples êtres humains que pourtant tout sépare : 73 kilomètres (seulement), la religion, une frontière, le quotidien, la classe sociale, la langue… Dans ce film on parle anglais, français, hébreu, arabe. Mais la véritable langue commune est l’angoisse. La paranoïa des uns, l’absence d’espoir des autres.
L’adolescence aurait pu les réunir, mais leur vie est si différente que ce n’est jamais évoqué : elle expérimente piercing et dépucelage pour s’intégrer, tandis que lui, la testostérone à cran, se réfugie dans les études pour mieux s’enfuir de son pays. Elle choisit son mode de vie quand lui subit toute son existence. La naïveté de l’une et une forme de cynisme de l’autre vont cependant se rejoindre à travers une narration épistolaire (le film use sans abus de la voix off et manie le son avec intelligence pour évoquer plus que pour illustrer).
Le film est monté de manière suffisamment rapide pour que l’on ne s’attarde pas au pathos. Le scénario est joliment écrit. Les scènes sont courtes, vives. Le portrait d’un pays fracturé se dessine par petites touches. Le film n’évacue pas pour autant les souffrances, malgré son charme ambiant : torture, guerre, attentat…
Mais il reste lumineux. Sans doute parce que le jeune palestinien, le plus beau rôle du film, veut s’en sortir et nous guide vers une issue qu’on espère heureuse. « Une pierre, deux maisons, trois ruines… Il était Palestinien Prévert ? » s’interroge-t-il en apprenant le Français. Halas, entre eux, il y a ce Mur de la honte et autres absurdités. D’un côté un « Paradis » inaccessible, de l’autre une prison à ciel ouvert.
Tout le film se tend vers une interrogation : vont-ils se rencontrer ? Est-ce que ces deux histoires parallèles vont se croiser ? Le charme qui se dégage de cette œuvre tient sans doute à sa conclusion, métaphore parfaite du lien entre Israël et Palestine. Sans être un grand film, Une bouteille à la mer est une fiction qui touche sans être larmoyante, qui intéresse sans être intellectuelle. Il manque sans doute une vision plus cinématographique à certains plans. Reste l’impression d’un regard singulier sur un monde en plein chaos, où la jeunesse essaie de survivre et de suivre ses coups de cœur.
vincy
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