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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le territoire des loups (The Grey)
USA / 2012
29.02.2012
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QUAND Y A UN LOUP...
"Une fois de plus au coeur de la bataille
Dans le dernier combat juste que je livrerai jamais
Vivre et mourir ce jour
Vivre et mourir ce jour"
Il s’agit d’un retour aux sources pour Joe Carnahan. De celles de Narc, polar noir virtuose qui lui ouvrit les portes d’Hollywood en 2003. Après deux films de commande pourtant très correctes (Mi$e à prix et L’agence tous risques), le réalisateur semble avoir eu besoin de recentrer sa mise en scène autour d’une histoire capable de vous prendre aux tripes. Mais n’ayez crainte, aucune tromperie ne s’affiche. Le territoire des Loups ne lorgne heureusement pas vers le survival fauché estampillé B pour gamer en manque d’adrénaline. Si la production, de qualité, reste Hollywoodienne, l’intensité est au rendez-vous. La morale sauve n’étant pas la tasse de thé du réalisateur, le film égrène sans mal sa rudesse envers des hommes perdus, livrés à eux-mêmes, luttant contre une mort certaine.
Le pitch est basique, assurément. Mais il ne dévie jamais de sa trajectoire implacable malgré des longueurs et des caractérisations un peu grossières. De toute façon la lutte sera acharnée pour les quelques survivants du crash d’un avion perdu au fin fond de l’Alaska. L’ironie aussi, puisque les miraculés joueront une deuxième partie presque perdue d’avance. Dans un environnement froid, désertique et peuplés de loups affamés, les chances de survie sont faibles. Si l’homme est un loup pour l’homme, il lui arrive bien souvent de se serrer les coudes pour espérer une issue favorable. Et l’homme espère. Viscéralement. Ontologiquement. Jusqu’au dernier souffle de vie.
Joe Carnahan impose alors ses règles dans une course-poursuite contre le temps où la moindre faiblesse se paye cash. Point de repos pour des hommes ne pouvant faire marche arrière. Le tempo prend l’allure d’une danse macabre, effleurant sur quelques plans fascinants de terreur, le fantastique. Moby Dick n’est plus très loin. John Ottway (l’un des survivants campés par un Liam Neeson impressionnant d’engagement) devient, au fil des heures, le leader du groupe, tel le capitaine Achab à la recherche du grand cachalot blanc. Sans peur, il fonce tête baissée. Contre le vent, contre le froid, contre la faim, contre les individualités d’un groupe à l’agonie, contre les loups, contre lui-même. En fait il ne fuit pas. Il affronte pour se sentir en vie. Une dernière fois. La dernière fois. L’empreinte physique du film est, de ce point de vue, une réussite. Très formel dans son ancrage de terrain, Le territoire des loups joue sur la linéarité des événements internes du groupe. Ce qu’il gagne en compacité narrative, il le perd en intensité dramatique Si nous pensons surtout à certaines scènes de flashbacks inutiles comme à la succession un peu mécanique des disparitions, saluons celles du père, vraiment touchantes.
L’apport du numérique ne condamne jamais la crédibilité de ces bêtes aux dimensions anormales. Elles viennent mettre à l’épreuve une humanité vacillante, représentée par ces pauvres fous dont la foi n’a pas complètement disparu. La fin sonne alors comme une délivrance. Ou comme une condamnation. A vous de choisir. En tous les cas, le dernier film de Carnahan frappe fort et soigne ses effets. S’il ne s’agit pas d’un grand film, il s’avère être une très bonne surprise, entre le survival survitaminé et le thriller naturaliste osé.
geoffroy
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