|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Possessions
France / 2012
07.03.2012
|
|
|
|
|
|
ETRE OU AVOIR ?
"Ici, on n’est pas chez les crevards ! Y’a du fric !"
Eric Guirado s’inspire d’un fait réel sordide (le meurtre de toute une famille) pour explorer les rouages de la convoitise et de l’avidité susceptibles de transformer une simple jalousie en haine mortelle. Pour ce faire, il décortique le chemin psychologique parcouru par ses personnages. A l’origine, ces derniers sont très stéréotypés : issus de la classe populaire du nord de la France, ils sont en quête d’une vie meilleure, passant nécessairement par un plus grand confort matériel. On sent qu’ils ne sont pas très heureux en tant que couple (comme le suggère une scène de relation sexuelle ratée, puis les propos tenus par la jeune femme qui critique sans arrêt le comportement de son mari) et que ce nouveau départ est aussi une nouvelle chance qu’ils se donnent.
Très rapidement, les deux nouveaux venus tombent sous le charme de leurs propriétaires, ou plutôt de la vie aisée que ces derniers semblent mener. Eric Guirado construit un récit elliptique et rythmé qui expose en quelques séquences l’admiration, puis l’envie, qui envahit Marilyne et Bruno au contact de Patrick et Gladys. Un regard appuyé vers un gros 4x4, l’étonnement devant le suréquipement d’un chalet de taille démesurée, une caresse voluptueuse sur un flacon de parfum… Presque sans une ligne de dialogue, le cinéaste parvient à faire sentir les émotions contradictoires qui envahissent ses personnages.
Le choc social, ici, est d’autant plus grand qu’il semble ne fonctionner que dans un sens. Plus les propriétaires s’avèrent amicaux, plus les locataires ressentent le fossé symbolique qui les sépare. C’est sans doute pourquoi ce qui est au départ de la gentillesse un peu nonchalante semble pour Marilyne et Bruno une provocation inacceptable. En cherchant à se venger du couple de propriétaires, ils espèrent secrètement effacer les humiliations passées et présentes, et régler leurs comptes avec la société.
La mise en scène tendue et âpre accompagne efficacement le parcours des personnages en jouant sur une distanciation intelligente qui aide le spectateur à ne pas prendre parti. Toutefois, lorsque Marilyne et Bruno basculent dans une haine excessive, on a beau savoir qu’il s’agit d’un fait réel, cela paraît malgré tout invraisemblable. On se sent mal à l’aise d’assister à un revirement de situation aussi brutal qui révèle soudainement les pires aspects de la personnalité des personnages, et, par là, de la nature humaine en général. Mais probablement Eric Guirado n’avait-il pas l’intention de faire un film qui flatte ou protège le spectateur. D’où cette volonté de montrer sans fard et sans complaisance ce dont chacun d’entre nous, au fond, peut être capable lorsqu’il est poussé à bout.
MpM
|
|
|