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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le fossé (Jiabiangou - The Ditch)
/ 2010
14.03.2012
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SI C’EST UN HOMME
"Personne ici ne s’en sortira."
Rarement un film aura osé s’aventurer aussi loin dans la zone d’indigence et de dénuement absolus qui se situe au-delà de toute humanité, cette "non-existence" que relate le cinéaste chinois Wang Bing à partir des témoignages des survivants du camp de rééducation de Jiabiangou et des documents d’époque. L’expression "film choc" prend ici tout son sens, tant ce que montre Wang Bing (sans parler de ce qu’il suggère) est à la fois insupportable et révulsant, parfois jusqu’à la nausée.
Sa mise en scène, pourtant (et on ne peut que s’en réjouir !) reste d’une extrême rigueur narrative et visuelle pendant presque toute la durée du film. Il se contente de montrer le quotidien de ces hommes privés de nourriture et de soins, dont beaucoup souffrent de dysenterie, et qui meurent nuit après nuit. Plus qu'une intrigue, c'est une succession de scènes éprouvantes, bouleversantes, qui compilent les différentes expériences vécues par les véritables déportés : la recherche incessante de nourriture, les agonies, le tri, chaque matin, entre les morts et les vivants trop faibles pour se lever…
Dans ces conditions, que reste-t-il de la condition humaine ? Wang Bing se garde bien de trancher. Mais ce qui ressort du Fossé, c’est que l’être humain, même poussé dans des retranchements dont il ignorait l’existence, reste immuablement humain. En revanche, celui qui lui a imposé sans fléchir une dégradation aussi profonde, et dont le cinéaste dresse le portrait en creux, ne mérite pas d’être appelé homme. Derrière la tragédie et la volonté de témoigner plane ainsi une attaque violente envers toute forme de pouvoir se croyant autorisé à traiter son peuple de la sorte. L’universalité du propos n’échappera à personne, même si on aura rarement vu une telle ironie tragique et une telle absurdité cruelle dans le sort fait à ces hommes à qui l’on ne demande même plus de travailler, et que l’on laisse mourir à petit feu plutôt que de les libérer. Même une exécution en bonne et due forme aurait semblé moins lâche…
Pour le spectateur, c’est une expérience terrible et édifiante, qui remet en question tout ce que l’on croit savoir des limites à la souffrance humaine. On ressort du Fossé tremblant et sonné, conscient d’assister à l’une de ces rares occasions où le cinéma devient une arme politique vitale.
MpM
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