Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L’enfant d’en haut (L’enfant d’en haut)


Suisse / 2011

18.04.2012
 



LA VIE D'EN BAS





L’enfant d’en haut se déroule en Suisse, au pied d’une montagne, entre une barre HLM où vivotent Louise et son petit frère Simon et une barre hôtelière au sommet où des touristes viennent skier le temps d’une saison. C’est durant ce temps-là que Simon fait chaque jour l'ascension symbolique pour voler des accessoires de ski qu'il revend ensuite en bas.

Louise, elle, perd son travail sans en trouver un autre et se laisse emmener par un petit-ami d’un soir qui en remplace un autre… Le petit trafic de Simon devient alors une vraie source de revenus pour eux deux, qui sont livrés à eux-mêmes, étrangement seuls dans une certaine précarité. Progressivement, leur relation de famille sans échange d’amour va se baser sur des échanges d’argent…

Le film se passe en Suisse mais cela pourrait être n'importe où ; il raconte surtout une saison d’apprentissages pour Louise et Simon. Simon, à 12 ans, fait semblant d’être un autre quand il se glisse parmi les riches touristes du haut de la montagne. Louise, plus âgée, cherche à oublier qui elle est quand elle se glisse dans les bras d’un amant de passage dans la vallée.
La jeune femme s’obstine à s’échapper quelques jours dans un autre lit ou quelques heures dans une bouteille, comme une adolescente qui se désespère d’elle-même. Obstiné et prêt à tout pour survivre, le petit garçon utilise sa ruse et sa détermination pour se rapprocher d’un cuisinier et d’une mère de famille en vacances, des gens très éloignés de son âge. C’est Simon qui assume un rôle d’adulte, presque de père, c’est lui qui ramène l’argent pour acheter à manger et même des nouveaux vêtements à Louise. Tandis qu’elle fuit ses responsabilités, lui voudrait gagner son affection. Louise et Simon se rapprochent par la force de l’argent, au point où une tendresse qui devrait être naturelle entre eux va se négocier en poignées de billets. On se doute que leur relation trouble trahit quelque chose d’insurmontable…

Ursula Meier avait fait découvrir le petit Kacey Mottet Klein dans Home ; il a grandi. Cet enfant joue ici son rôle avec un naturel désarmant tout en étant même plus convaincant que d’autres interprètes adultes. La grande force de L’enfant d’en haut vient du duo qu’il forme à l’écran avec Léa Seydoux. Ursula Meier a été très habile du point de vue de la direction d’acteur. Le duo est la clé de voûte du film. Cette relation ambiguë entre leurs deux personnages est subtilement nuancée par la belle Léa Seydoux qui réussit à promener sa fraîche candeur et sa mine boudeuse de films en films. Son personnage est d’une complexité telle qu’il fallait un certain abandon. Son jeu mûrit avec un personnage immature. Paradoxe. Il fallait parvenir à une incarnation avec des variationss entre l’insolence du lâcher-prise et l’indolence du laisser-aller, une certaine façon insaisissable de paraître que peu d’actrices jouent aussi bien que Isild Le Besco (muse du réalisateur Benoît Jacquot qui justement lui aussi a donné ses galons d’actrice à Léa Seydoux dans Les adieux à la reine). A noter que Ursula Meier a convaincu Martin Compston (qui avait débuté dans Sweet sixteen de Ken Loach) et Gillian Anderson (l’agent Scully dans la série X-Files) pour les rôles de britanniques en résidence à la station de ski.

En prenant un raccourci, on pourrait facilement rapprocher son film de l’univers des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne bien qu’il soit plus proche peut-être de celui d'Eric Zonca. Ursula Meier s’intéresse moins à une problématique de société qu’à décrire une relation complexe entre deux êtres un peu paumés. Bien sûr, la Suisse d’en haut avec sa station de ski fréquentée par de riches touristes venus de loin contraste avec la Suisse ouvrière de quelques kilomètres plus bas où certains habitants ne connaissent aucun ailleurs et manquent de ressources. Cependant, L’enfant d’en haut évite le rapport de lutte des classes pour vraiment montrer un rapport de force dans une famille réduite à deux membres. Ces deux lieux qui sont presque côté à côte sont comme deux mondes très différents, dans le film ils sont surtout le décor de la bulle de chacun des protagonistes. Louise se sent prisonnière de la vallée du bas avec son petit frère qui est comme un poids de son passé, tandis que lui veut sortir de là en profitant de la station de ski d’en haut pour élargir son futur.

Après son film Home qui était prometteur, la réalisatrice Ursula Meier confirme de belle manière qu’elle est désormais une auteure à suivre : L’enfant d’en haut a mérité son Ours d’argent-prix spécial au dernier festival de Berlin.
 
Kristofy

 
 
 
 

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