|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Barbara
Allemagne / 2011
02.05.2012
|
|
|
|
|
|
LA VIE D’UNE AUTRE
"Tu délires. On ne peut pas être heureux ici."
Film sensation lors de la dernière Berlinale, Barbara aborde un pan encore douloureux de l’histoire allemande contemporaine, celle de l’ex-RDA, en recréant à l’écran l’ambiance oppressante et délétère d’une société totalement écrasée par l’obsession de la suspicion, de la surveillance et de la dénonciation. L’écriture ciselée de Christian Petzold permet de brosser par petites touches le quotidien à la fois austère et terrifiant d’une jeune pédiatre mutée en province et placée sous une surveillance constante suite à sa demande d’autorisation de sortie du territoire.
Dans des scènes extrêmement courtes et dépouillées, le réalisateur montre comment le moindre bruit inhabituel ou le premier regard un peu appuyé deviennent des sources d’angoisse. L’héroïne se dissimule derrière des tentures pour surveiller la rue, sa logeuse épie ses allers et venues, son supérieur est contraint d’ écrire des rapports sur elle… Sans oublier cet officier de la STASI qui vient régulièrement fouiller son appartement et la soumettre, elle, à des fouilles corporelles toujours plus humiliantes.
Un climat qui a de quoi rendre totalement paranoïaque, et donne la sensation que l’héroïne, bien que vivant à la campagne, au milieu d’une nature luxuriante, est confinée dans un univers impersonnel et triste d’où elle ne peut s’échapper. Une prison dorée dans laquelle elle se cogne régulièrement aux parois invisibles, mais bien présentes, séparant ce qui est autorisé de ce qui ne l’est pas.
Tout en retenue, Barbara évite les effets mélodramatiques, et même ceux, plus attendus, du thriller. On ne peut ainsi l’accuser d’aucune facilité stylistique pour faire passer son message. Au contraire, le scénario suit un cours extrêmement linéaire et presque simpliste. Comme dans une tragédie antique, on devine bien avant le dénouement l’issue du combat mené par la jeune femme. Cette absence de surprise et ce refus d’utiliser les codes du cinéma de divertissement (suspense, rebondissements, faux semblant…) font du film une démonstration brillante, mais désespérément froide, à l’image de son héroïne. Si l’on ne peut que saluer la droiture du cinéaste, qui ne cède pas aux sirènes de l’émotionnel et du spectaculaire, on reste malgré tout un peu sur sa faim, comme frustré d’être passé si près d’un grand film universel et humaniste.
MpM
|
|
|