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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Triple agent
France / 2004
17.03.04
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L'ESPION QUI VENAIT D'ON NE SAIT Où
"- Je suis tellement heureuse. Moi qui craignais que tu sois nazi. "
Après L’Anglaise et le Duc, Eric Rohmer continue de se pencher sur l’histoire. Pour son nouvel opus, il abandonne la Révolution Française pour nous plonger dans le chaos international qui règne en Europe à la veille de la seconde guerre mondiale. Triple agent est un film d’espionnage. Mais pas n’importe lequel puisque c’est un film d’espionnage par Eric Rohmer. Inutile de dire que si l’on cherche de l’action véritable et tout ce qui fait le caractère classique du film de genre, mieux vaut passer son chemin. Ici, point d’actes. Tout passe par les mots et le film entier fait l’économie des scènes d’action. Ce qui est véritablement une gageure si l’on y pense. Parvenir à tenir le spectateur en haleine avec des dialogues, au détriment de toute mise en image des évènements clefs, n’est pas chose aisée. Pourtant, Rohmer y parvient avec des discours finement travaillés, qui relèvent presque, et ce n’est pas un hasard si l’écrivain est cité dans le film, de Machiavel.
Nul doute, la patte rohmérienne est bel et bien là. Même si les manigances ne sont plus amoureuses mais politiques, on est en plein raffinement en matière de stratégie et de discours. Pas de surprise, Rohmer n’a pas vieilli et les thèmes qui lui sont chers sont toujours là : « je fais croire que… », « s’il fait ceci, c’est que… ». On est toujours dans l’analyse de l’autre et de l’événement. Et là, accrochez-vous. Si les marivaudages verbaux sont aisés à suivre, en ce qui concerne les tribulations stratégiques et politiques d’un espion non identifié, c’est une autre paire de manches. Exercice difficile mais néanmoins fascinant. Tout comme le personnage de Fiodor qui joue avec les autres, Rohmer s’amuse avec nous, quitte à nous perdre de temps à autre (l’absence d’une maîtrise parfaite du contexte de l’époque peut rendre les choses quelque peu sibyllines parfois).
Le style rohmérien se retrouve également dans la mise en scène. Comme si les mots seuls importaient, le réalisateur cultive un dénuement de tout autre artifice. La caméra du cinéaste se concentre sur les personnages et leurs paroles à défaut de tout autre élément visuel. D’une manière moins radicale, on est assez proche du procédé utilisé dans L’Anglaise et le Duc (des décors intérieurs et extérieurs peints) et, finalement, du théâtre. L’absence d’éléments réels (et de leur mise en valeur comme partie intégrante du film) permet de mettre l’accent sur ce qui est dit. Et, comme toujours chez le réalisateur, le jeu des comédiens participent de ce processus en présentant quelque chose qui touche à la déréalisation. Le sentiment d’étrangeté que nous éprouvons d’abord nous conduit à nous plonger dans le signifié en faisant une quasi abstraction du signifiant. Car encore et toujours, les phrases sont à écouter avec une vive attention chez Eric Rohmer.
Un mot enfin sur les comédiens. Outre le plaisir de retrouver un Emmanuel Salinger vraiment parfait et une Amanda Langlet-Pauline adulte, on ne peut être qu’ébloui par les deux personnages principaux. Serge Renko parvient à restituer une incroyable ambiguïté malicieuse et Katerina Didaskalou véhicule une grâce inénarrable. Laurence
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