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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Magic Mike
USA / 2012
15.08.2012
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FULL FRONTAL
« - Elle est coincée.
- On va baiser, pas dîner.
- Elle préfère dîner. »
Ceux et celles qui aiment les hommes très bien foutus et souvent dénudés (avec variante : beau cul exhibé, boxer, string, jock strap, slip, pantalon de cowboy ou uniformes en tous genres) ne seront pas déçus. Il y a de quoi être voyeur. Mais, à l’instar de cette histoire plus dramatique que comique, tout cela n’est qu’illusion. Un miroir aux alouettes, avec ce qu’il faut de sexe facile, de cash en petites coupures, de drogues et stimulants. Un Full Monty où l’impudeur est du côté des spectateurs : les performeurs ne sont finalement que des moteurs à fantasmes.
Magic Mike est l’un des films de Steven Soderbergh les plus réussis depuis des années. Sans se perdre dans une trame puzzle à la Trafic (qui échouait dans Contagion) ou dans le pur formalisme de genre (le récent piégée) qui lui réussissait avec Ocean’s 11 ou Hors d’atteinte, le cinéaste (monteur, chef op, …) parvient à rester maître d’une histoire tout en conservant son style.
Il est étonnant d’ailleurs qu’un film aussi peu conforme à la morale américaine ait réussit à draguer un public aussi large aux Etats-Unis. Pas seulement pour cette chair musclée remuée devant des spectatrices en furie (ce qui se passe dans un strip bar reste dans un strip bar). Mais bien parce que Soderbergh souligne en creux l’hypocrisie de la société face à ce business (pas lucratif pour tout le monde). Tout comme il allume ouvertement le système bancaire, incapable d’être utile à un jeune entrepreneur : ce sont les machines qui décident.
On retrouve là base du cinéma de Soderbergh : la liberté à tout prix. Peu importe le tarif. Dans Hors d’atteinte, Clooney voulait être honnête en sortant de prison. On le rejette. Il comprend qu’il n’a pas sa place dans le système. C’est exactement la même intrigue dramatique sur laquelle repose Magic Mike. Ici, Channing Tatum, étonnant de justesse et se donnant totalement à son rôle complexe, incarne cette aspiration à être soi-même. Quand il s’habille en costume cravate, il est un autre qui cherche à plaire à la société. Il se renie mais fait l’effort de s’adapter. Comme dans Hors d’atteinte, c’est encore une femme honnête et tolérante qui va lui permettre de dévier de son chemin vers les enfers.
L’autre film auquel fait écho Magic Mike est Sexe Mensonges et Vidéos. Dans le film qui a reçu la Palme d’or, le cinéaste s’interrogeait sur le désir des femmes, en voyeur. Ici, il comprend que l’homme est aussi un sex-toy, une incarnation de ce que la femme, étudiante ou mère de famille, n’a pas à disposition dans son lit. Que le scénario d’un strip-tease est un plus important que le résultat lui-même. Il filme les spectacles sans effets hollywoodiens. Il s’agit de spectacles presque amateurs, bien rodés. La chorégraphie et les corps font le reste. On soulignera que les fantasmes sont très clichés, d’une banalité digne d’un roman à l’eau de rose ou de ces vidéos X qui traînent sur le Net avec mots clefs récurrents.
Mais le réalisateur est un auteur. Il habille son film d’une lumière filtrée. Il cadre les personnages comme dans une pièce de théâtre tragique. Il rythme son montage sans temps morts. S’offrant parfois quelques séquences expérimentales, entre hallucinations et exercice de style. Il insuffle un regard sur une Amérique quelconque (Tampa en Floride, ville provinciale par excellence), où les restaurants, les lieux de loisirs, les bars n’ont rien de glamour. C’est une Amérique où le marché au noir est connu, le fric gardé en liquide dans un coffre à la maison. Un peu en retrait du système.
Le scénario s’installe autour d’un mentor - Matthew McConnaughey diaboliquement immoral, égomaniaque, charismatique, imbuvable, presque vieux beau ayant peur de se faire doubler –, un grand frère – Channing Tatum - droit dans ses santiags, beau comme un Dieu, doué comme un étalon, bosseur et rêveur -, et Alex Pettyfer – candide, arriviste, grisé par la reconnaissance, ingrat, qui se dépucèlera sur scène au son de Like a Virgin. Un trio qui va briser les paires, révéler les personnalités, changer les destins en trois mois. Un ouragan balaiera en effet tout le bonheur illusoire et les rêves de pacotille.
Bien écrit, s’autorisant même des moments cocasses, des malentendus drôles et de la dérision, le film est intéressant dans la filmographie du cinéaste car pour la première fois il explore une double vie, et l’ambiguïté en général. Il cherche à comprendre comment on peut être un autre au nom du fric. Comment on se perd en oubliant son intégrité. Même si ça ne va pas aussi loin qu’on le voudrait, même si parfois le film se ramollit pour ne perdre aucun personnage, Magic Mike est plus réaliste que magique. La magie, par petites touches, s’estompe au profit d’une remise en cause existentielle dont on devine rapidement l’issue. Ne pas être dépendant. Voilà ce que veut affirmer Soderbergh à travers ce qui pourrait être l’un de ses derneirs films. Gagner sa liberté. Peu importe la facture finale.
La caméra est subjective, comme s’il était chacun des personnages. Sensuelle comme pour happer le spectateur avec opportunisme. Le cinéaste veut qu’on comprenne clairement, parfois de façon trop didactique, à ses doutes. Il s’attache alors de plus en plus au drame personnel de son Mike, piégé par son tempérament, libéré grâce à son instinct. Reléguant les autres à leur condition d’amuseurs sexuels. De corps sans âmes plongeant avec délectation dans une foule de femmes en furie au nom du roi dollar. Soderbergh voit en Tatum l’homme qu’il veut devenir : un simple artisan, loin du show-biz et de ses excès.
vincy
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