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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Keep the Lights On
USA / 2012
22.08.2012
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SEXE, DROGUE & FOLKS
«- Tu n’étais pas supposé te mettre nu. »
Avec Keep the Lights On, Ira Sachs signe une œuvre subtile entre ombres et lumières d’une histoire d’amour, de celles qui finissent mal en général. Il est regrettable, cependant, que son film, malgré une forme plutôt audacieuse, se complaise parfois dans des conventions scénaristiques. La banalité des faits contraste souvent avec leur illustration, bien plus courageuse.
Keep the Lights On est une tranche de vie d’un couple homo dans un New York, où le sexe se commande par téléphone, la drogue sert de stimulant ou d’antidépresseur et les hommes se divisent entre ceux qui ont le culte de leur corps et ceux qui se cultivent le cerveau.
Passé ce contexte, le film plante directement sa caméra dans l’intimité sexuelle. Plan cul sans pudeur qui choquera peut-être les ignorants ou les pudibonds. Loin des narcissiques et des escorts, deux hommes se trouvent. L’un qui se rêve encore adolescent, libre de toute attache, s’investissant avec passion dans son travail peu rémunérateur. L’autre qui a des allures d’adolescent, piégé par les contraintes du système, luttant contre ses propres démons et névroses. Leur fragilité est différente. Mais ce joli couple, attiré comme des aimants, semble évident. L’un rassure quand l’autre apaise.
Avec un style visuel qui pourrait être celui d’un documentaire rendant hommage au cinéma américain des années 70, Keep the Lights On est chapitré avec une régularité de métronome quasi parfaite. Toutes les 22 minutes nous changeons de période. Le couple idéal, baigné de lumière et d’amour, dont les peaux se caressent avec sensualité, va sombre doucement vers une impasse. L’écume des jours et des nuits va ronger de son sel le château de sable qui les cimentait. Les disputes vont commencer. Tous comme les mensonges, les infidélités. Couacs en plein coït.
Le passionnel se heurte à l’autodestructeur. Leur idéal commun se désagrège. La nuit les envahit. Et les souffrances deviennent symptomatiques de leurs douleurs intérieures. Chacun suit son chemin : le désintox pour l’un, la gloire pour l’autre. Mais les chemins se croisent de plus en plus rarement. Pourtant, il y a encore de l’amour … Même en enfer. Même quand son mari à la tête d’ange à qui on donnerait le bon dieu sans confession, complètement camé, se faisant baiser par un jeune prostitué, demande à son compagnon de venir lui tenir la main et de le voir se détruire ainsi. L’amour est là. Mais les sentiments prennent de sacrés coups. Ira Sachs ne cache rien. Il veut absolument être réaliste, malgré l’allure presque onirique du film. L’escort bande bien sous son slip. Il n’y a pas de faux-semblants.
Mais surtout le cinéaste s’interroge sur la pulsion morbide d’un couple, prisonnier de ses émotions. Comment deux êtres qui avaient tout (jusqu’à la réussite sociale) peuvent se dévaloriser ainsi ? 9 ans de couple qui auraient du les rendre heureux. Comme une chanson pop, l’air est léger mais les paroles dramatiques. Les échecs de chacun s’ajoutent au fil des années. L’impasse. Ce portrait ensoleillé d’une communauté plongée dans le noir laisse des bleus à l’âme. Il dépeint les mœurs avec précision, et parfois un peu d’ennui. Il est dommage que Sachs ne lui insuffle pas un peu plus d’oxygène, d’inspiration. En résumant ça à une chronique ordinaire, son film souffre d’inégalités entre certaines séquences, passant du sexe cru aux bleus à l’âme, de dialogues sans reliefs à des scènes muettes saisissantes. Le final s’étire un peu, épousant les hésitations et l’indécision de celui qui doit annoncer la séparation. Rupture évidente mais qui tarde à se mettre en place.
Ces maladresses qui atteignent le rythme et finalement la fluidité de cette fable tragique, n’empêchent pas de tomber sous le charme du couple d’acteur (avec une mention spéciale à un talent prometteur, Zachary Booth). Les deux portent sur leurs épaules la souffrance à fleur de peau de leurs personnages : aussi charnelle que profonde. La lumière reste allumée, les éclairant en plein jour, malgré le brouillard qui les attend. Cette suavité est d’autant plus surprenante que le film s’avère plus âpre qu’il ne paraît.
vincy
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