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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ce que le jour doit à la nuit
France / 2012
12.09.2012
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ETREINTE BRISÉE
"- C'est l'amour qui doit gagner, toujours."
2h40. Ambitieux. Peu de cinéastes savent tenir une telle durée au cinéma. Alexandre Arcady n'échoue pas d'un point de vue narratif. Mais cinématographiquement, on ressort du film sans avoir éprouvé quoi que ce soit. En voyant Ce que le jour doit à la nuit, on s'immerge dans un feuilleton télévisé que les chaînes réservent généralement à la période estivale : un mélo ponctué de soubresauts dramatiques, et dénué de toute finesse psychologique (ce qui n'est pas aidé par quelques ellipses et incohérences des comportements).
Certes, comme pour un feuilleton qui se déroule sur plus de 30 ans, on ne s'ennuie pas. Mais on ne s'y intéresse pas plus. Jamais on ne comprend les motifs réels de cet homme incapable de s'affirmer, de déclarer sa flamme, de se libérer. Il est séduisant, sans aucun doute le seul de la bande avec lequel une conversation pourrait être passionnante. Mais Arcady ne cherche jamais à justifier sa solitude extrême. Sur 160 minutes, il ne fait l'amour qu'une fois. Certes, ce "coup" est crucial et détermine le reste. Mais sa soumission à une sorte de Madame Robinson n'a aucun sens dans le film. Si encore il avait été répugnant...
Arcady ne sait finalement pas accompagner ses personnages. Il fantasme sur certains, en oublie d'autres durant une grande partie de cette fresque, ne prend aucun gant avec le reste du casting. Chaotiques, à l'instar des événements, les relations entre protagonistes semblent décousues au fil du temps. Du bled au fin fond de l'Algérie en 1939 à Marseille en 1963 (et même 2010), le réalisateur préfère se focaliser sur la petite histoire que sur celle avec un grand H. Une passion amoureuse inassouvie plutôt qu'un homme écartelé entre ses cultures.
Or, Ce que le jour doit à la nuit porte bien son titre. Il y a deux faces d'une même pièce. Déséquilibré, le film oublie trop souvent la nuit. Celle d'un pays, l'Algérie, en conflits permanents. A peine effleure-t-il les fractures sociales. En voulant ménager toutes les communautés, toutes les opinions politiques, il ne fait aucun choix, et préfère, avec ce principe de neutralité, s'enfermer dans une liaison entre un kabyle élevé par un couple mixte éclairé - une française catholique et un algérien musulman - et une superbe blonde, enfant de la colonisation.
La métaphore ne nous échappe pas : leur amour contrarié, tumultueux, impossible à concrétiser est une allégorie du rapport entre la France et l'Algérie (ici représentée avec un homme qui a une double identité et une double culture). Une chronique d'années de braises à laquelle il manque un peu de souffle pour raviver le feu.
Car si on espère à chaque instant une dramatisation, une envolée épique, des scènes de guerre ou des tragédies bouleversantes, nous sommes à chaque fois déçus ou frustrés. Le film revient à chaque fois sur l'incompréhensible silence de celui qui devrait crier, hurler, aimer. Ce que le jour doit à la nuit est à l'image de son personnage central. Il est amoureux de son sujet. Mais incapable de l'étreindre, de l'embrasser, de se lâcher. On flirte façon Plus belle la vie, sous un ciel de plomb qui menace sans jamais éclaté. Tout conflit est tenu à distance, toute bataille est réprimée. Tous les combats sont effleurés. Cela manque de chair, de sang, de sueur et reste dans l'ordre d'un fantasme nostalgique.
Heureusement, la tristesse du récit imaginé par Yasmina Khadra permet de ne pas rester trop éloigné des belles images de cette sublime Algérie. Le spectateur peut ainsi se projeter dans un mélodrame et deviner, en creux, les cicatrices sentimentales que cette époque a laissé sur les Hommes qui l'ont traversée. vincy
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