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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Quelques heures de printemps
France / 2012
19.09.2012
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UNE VIE SIMPLE
«- Tu sais que tu commences à me plaire à pas faire les choses comme il faut. »
Agréable brise cinématographique que ce mélodrame social et familial. Stéphane Brizé n’évite pas quelques tics du cinéma français, frôlant de très près des clichés qui auraient pu conduire Quelques heures de printemps dans le mur. Mais la relation entre les deux protagonistes l’emporte, et emporte tout.
Il faut pourtant patienter pour voir les premiers rayons de soleil de ce film sombre, hivernal. L’affrontement entre ce fils, sorti de prison, précaire, et sa mère, seule, malade, est d’une justesse effrayante. La colère rentrée de l’un, ne supportant pas les habitudes immuables et agaçantes de sa génitrice, et l’impossible communicabilité avec cette femme, alourdie par un passé subit, triste et humble rendent le film froidement violent. Au bord de l’explosion.
Pourtant c’est une œuvre sur l’implosion. Les taiseux doivent se parler. Les silences doivent se rompre. Le fils indigne et la mère acariâtre doivent renouer le fil. C’est le beau pari du scénario de Stéphane Brizé. Il est aidé par un Vincent Lindon capable d’intérioriser toutes les émotions tout en les exprimant sans accros devant la caméra. Et, surtout, par une Hélène Vincent formidable dans chacune de ses scènes.
Cette tension permanente entre les deux, cohabitation invivable, coexistence sans amour (a priori), qui se traduit par un lien du sang factice, par une incapacité à se parler, les isole pendant une grande partie du film. Sous le même toit, mais chacun dans son coin. Le récit va même jusqu’à les séparer physiquement. Pour mieux les réconcilier.
On ne sait pas grand chose de leur passé. Mais on le devine. Brizé sait faire passer les messages, sans forcément les exprimer lourdement C’est alors regrettable de voir que la liaison entre Lindon et Emmanuelle Seigner est si bâclée, trop facile, étirant inutilement le film. Regrettable parce que son film est épuré. Il n’y a pas de séquences inutiles. Il décrit avec finesse un environnement déprimant mais simple. Le réalisateur va directement au but, et sa mise en scène est soignée : il ne s’embarrasse pas de mouvements dans l’air du temps. Il cadre. L’image est raccord avec les sentiments des protagonistes.
Il faut bien s’évader de cette banlieue monotone de province. Il faut aussi que la rage s’apaise. Le réalisateur a alors imaginé une mère atteinte d’un cancer irréversible et qui décide de choisir sa manière de mourir, son heure. Elle, la soumise, décide de son destin. Mourir dignement. L’euthanasie, sans euphémisme. « C’est un choix. C’est très personnel ». Et c’est universel. L’émotion surviendra dans les derniers instants. Plan fixe. Quelques mots. Des sanglots. On ne peut-être que bouleversé. Pourtant, la réalisation est sobre. Peu d’effet, pas de musique. Juste deux comédiens qui s’embrassent. Une mère, aimante, et son fils, soucieux, qui se disent adieu. Deux solitudes qui fusionnent.
Brizé a volontairement mis du temps pour installer l’enjeu dramatique. Avec raison. C’est cette envolée finale qui nous touche. Il a préféré faire quelques détours pour souligner son empathie avec ses personnages, pas si détestables. Quitte à dévier de son propos. Mais lorsque la mère et le fils sont confrontés à un médecin français, les voix, les mots, les regards sont si justes qu’il est impossible de ne pas être bousculé, impossible de ne pas respecter un choix si intime. Ode à l’autodélivrance, le film se libère alors de son réalisme pour devenir une œuvre ultrasensible, tout en conservant son extrême (et salutaire) pudeur.
vincy
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