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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le sommeil d'or
/ 2012
19.09.2012
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UN MONDE DISPARU
«- Les films ont presque tous disparus mais les chansons restent. »
Un grand documentaire repose sur trois piliers. Son sujet. Sa mise en scène. Le débat qui s’en dégage. A ce titre, Le sommeil d’or est une véritable réussite. Il devait exister. Il fallait le réaliser. Il faut en parler.
Le cinéma cambodgien fut très populaire entre 1960 et 1975. La production était abondante. A Phnom Penh, plus de trente salles faisaient le plein de spectateurs. Les films étaient souvent des mélos ou des comédies musicales, des films sentimentaux ou fantastiques où l’onirisme et la mythologie faisaient dialoguer les animaux et les hommes.
« Symboles d’une société pervertie, les cinémas sont les cibles de grenades pendant la guerre ». Avec la victoire des Khmers rouges, le cinéma fut brutalement tué, comme le régime a assassiné une grande partie de son peuple. Les plateaux de cinéma étaient déserts. Les salles laissées à l’abandon. Les artistes furent persécutés, achevés. Les bobines ne furent jamais protégées, ni exportées.
Le sommeil d’or était un film urgent à faire : il ne reste que quelques témoins de cette époque, de cette industrie. Une actrice, trois réalisateurs, un peu vantards mais toujours passionnés. deux cinéphiles. Des parcelles de mémoire. Quelques minutes d’images sur des centaines d’heures de films. Des photos, des affiches. Et des chansons, disponibles sur Youtube. Le cinéma cambodgien est un tas de ruines antiques dont Le sommeil d’or tente de reconstituer la physionomie de l’époque.
Les films ont été détruits ? Alors il reste les souvenirs, personnels, professionnels. Le documentaire s’attache à sublimer ces visages vieillis, ces cinéastes ou cette actrice qui ont vécu un âge d’or et qui aiment être devant la caméra de Davy Chou. Le réalisateur est inspiré, variant les angles, le cadre, les lumières, s’autorisant quelques effets pour illustrer le propos. Ils sont déchus, mais dans ce film, ils redeviennent glorieux. Le présent est si joliment filmé que le passé n’est pas trop magnifié.
Pourtant les cinémas sont devenus des restaurants ou des karaokés. Un des réalisateurs s’est enrichit avec une compagnie de taxis à Paris. L’une des stars féminines de l’époque donne des cours de danse. Les studios sont des bâtiments désaffectés ou des logements précaires. Il est loin le temps où Marcel Camus y filmait L’oiseau de Paradis.
Les histoires de ces films oubliés étaient hantées par des fantômes. Le documentaire les fait ressurgir. Les fantômes ne sont plus issus de croyances spirituelles mais d’un art qui a été enterré par un régime politique dément.
Inutile d’essayer de reconstituer des séquences cultes d’un film populaire. Le revival est impossible : les acteurs sont devenus pudiques, et le scénario n’est qu’un puzzle dans la tête d’un vieil homme. Chou tente malgré tout de faire revivre par les sons (bande annonce, chansons) ce 7e art enfoui au milieu des squelettes six pieds sous terre. Une somme de talents et de créations … et plus aucune trace.
Maintenant le petit écran a envahit tous les lieux. Le bûcher des vanités dont ils ont été victimes s’avère, grâce à ce film, un besoin de vérité. Une façon d’exister. De perdurer. La puissance du récit des uns et des autres s’achève avec quelques rares images sauvées, projetées sur les briques d’un ancien cinéma. Le cinéma cambodgien n’est pas tout à fait mort. Et le cinéma, dans ces cas là, est un art magique. « Quelques cinéastes, le cinéma, ses acteurs restent dans nos mémoires, gravés dans nos esprits. Il y a quelque chose d’éternel, d’immortel. »
vincy
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