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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Pieta
Corée du Sud / 2012
10.04.2013
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SYMPATHY FOR VENGEANCE
"Ca ne me dérange pas de mourir de tes mains"
D'une certaine manière, le nouveau film de Kim Ki-duk est une histoire de vengeance comme les Coréens savent si bien les écrire. Une vengeance qui suit un plan particulièrement alambiqué, à l'image d'un film comme No Mercy de Kim Hyoung-jun. Cependant Pieta est loin de ces thrillers à sensations fortes et s'inscrit dans la droite ligne de l'oeuvre du cinéaste.
Plus que les rouages machiavéliques qui conduisent au châtiment final, c'est ainsi le parcours de ses personnages qui intéresse Kim Ki-duk. Qui ils sont, ce qui les anime, ce qu'ils deviennent. Par exemple, un jeune homme est prêt à s'amputer une main pour un prêt qui lui permettrait d’offrir un cadeau à son enfant. Un autre préfère mourir que d'être une charge pour sa vieille mère. Le personnage féminin central teste en même temps que le spectateur jusqu'où elle est prête à aller pour son fils. Quant à Kang-do, le "héros", il est à la fois capable du plus grand manque de compassion et d'une sensibilité exacerbée.
Depuis toujours, ce sont ces nuances et ces motifs qui passionnent Kim Ki-duk. Ausculter la nature humaine jusqu'au tréfonds des âmes et la livrer, brute et sans fard, au spectateur. Quitte à le brutaliser au passage (même si les séquences les plus difficiles restent hors champ) : il n'est pas question de sortir indemne d'un film de Kim Ki-duk.
On devine ici aisèment l'inspiration religieuse de celui qui se rêvait prédicateur et fut pensionnaire dans un monastère étant jeune. Le film se termine d'ailleurs avec le chant religieux "Kyrie Eleison" et le titre évoque l'un des plus célèbres thèmes de l'iconographie chrétienne (l'affiche reprend d'ailleurs la célèbre sculpture de Michel-Ange où la Vierge contemple son défunt fils). Un contexte qui sous-tend à lui tout seul tout un champ lexical de compassion, de sacrifice, de pénitence... Dommage que dans Pieta, cela se mâtine d'une morale qui force le trait. Parfois, Kim Ki-duk va trop loin dans le symbolisme. Sa mise en scène se fait maladroite, ultra signifiante, ce qui rend son récit lourd et interminable. Peut-être parce qu'il ne savait pas comment finir, faisant le grand écart entre rédemption sacrificielle angélique et cruauté perverse.
Pourtant, ce qui se joue dans Pieta, relève plus de l'ultralibéralisme que de la foi. Car c'est bien la folie du monde qui apparaît en filigranne de cette histoire allégorique. C’est à cause de l’argent que les deux personnages principaux se rencontrent. C'est aussi l'argent qui préside au destin de chacun : l'un parce qu'il doit le récolter, les autres parce qu'ils n'ont pas réussi à le gagner. A travers les déambulations du collecteur de fonds dans des ateliers modestes et des commerces miséreux, on découvre toute une société de laissés pour compte à qui l'on nie même le droit de survivre. Cette société-là, Kim Ki-duk l'a souvent filmée, mais elle semble ici plus désespérée que jamais.
Et puis, bien sûr, il y a l'idée récurrente du cinéma de Kim Ki-duk que nul n'est une victime ou un bourreau absolu mais que chacun porte les deux versants en lui. Une vision finalement très judéo-chrétienne, il est possible à chacun de s'amender, mais aussi froidement réaliste : tout le monde porte sa part de responsabilité dans les horreurs du monde. Surtout quand il s'agit d'argent, l'ultime pêché de nos sociétés modernes. kristofy, MpM
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