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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté
France / 2012
17.10.2012
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OPÉRATION TONNEAU
« Vous voulez demander de l’aide à des Gaulois ? Je me demande s’il ne serait pas préférable de nous laisser envahir. »
Des quatre films adaptés des albums de Goscinny et Uderzo, cet Astérix est aussi bon que celui de Chabat. Egalité entre Cléopâtre et les bretons, mais pas pour les mêmes raisons. Là où l’ex-nul revisitait l’humour du gaulois à celui des acteurs qu’il avait choisi. Chacun y faisait son show dans un anachronisme assez réjouissant. Laurent Tirard a pris une direction inverse : plus fidèle à la bande dessinée, il signe un devoir (trop) appliqué mais interprété avec brio.
Astérix et Obélix, au service de sa majesté débute logiquement pas un générique à la James Bond. Sans un seul anglais au générique. Film 100% franchouillard côté casting, où les stars défilent (Jugnot en pirate, Boon en normand, le regretté Duchaussoy en Abraracourcix, Rochefort en sénateur…). Et ce sont bien les comédiens qui sauvent le film. Car le réalisateur du Petit Nicolas ne parvient jamais à sortir des rails : la mise en scène est assez plate, anticipant trop les gags sans jamais aller plus loin. L’ensemble manque de rythme, de ce souffle qu’on attend d’une comédie comme on espère un vertige lors d’un grand huit.
Il faut donc tout le talent des interprètes pour sauver le film de sa traversée en eaux calmes. Et bien sûr l’humour des albums adaptés – Astérix chez les Bretons, Astérix et les Normands. Côté britannique, les Anglais sont parfaits. Catherine Deneuve, royale chef aussi flegmatique que décalée, prouve une fois de plus que la comédie lui sied bien et qu’elle peut s’imposer dans n’importe quel univers. A l’inverse, Valérie Lemercier, à l’instar de Jamel Debbouze dans Cléopâtre, tire le film vers elle et fait mouche à chaque fois. Corsetée dans son personnage psychorigide, elle amène Depardieu dans un registre plus sensible que dans les autres épisodes. Mention également à Guillaume Gallienne, qui ne lâche jamais son personnage réservé et coincé.
Côté français, les Gaulois gagnent en épaisseur. On l’a vu : Depardieu apporte des nuances émotives qui manquaient dans les précédents films. Edouard Baer surprend en composant un Astérix rêveur, dragueur maladroit et ami fidèle mais un brin arrogant. C’est surtout Vincent Lacoste qui réussit son épreuve du feu avec son Goudurix idéal, adolescent fumiste et nonchalant.
Reste le cas César. Luchini fait du Luchini. Et on reste perplexe face à ce choix. Les tirades sont ciselées à son talent, mais il y a quelque chose dans ce César qui ne fonctionne pas en le rapprochant davantage d’un Sarkozy que d’un empereur romain.
Car Tirard a bien appris sa leçon du petit Chabat illustré. S’il a conservé la plupart des dialogues des albums, il y a inséré des situations qui font écho à notre époque : les sans papyrus qui veulent traverser la Manche, l’audit du Sénat pour les dépenses bling-bling de César, les BB Brunes façon quatre garçons dans le vent, …). Il s’est aussi essayé à quelques clins d’œil cinématographiques (Un poisson nommé Wanda pour la rubrique chiens écrasés, par exemple, la musique de Kill Bill, une torture qui rappelle Orange mécanique, une référence à Star Wars…). Regrettable que son scénario ne fasse jamais décoller le film. L’une des raisons à ce sentiment routinier est sans aucun doute la mauvaise idée d’avoir invité les Normands dans cette aventure britannique. Historiquement improbable, mais peu importe, cette visite des « vikings » ne sert à rien tant elle est anecdotique et se résume à quelques séquences qui ne conduisent même pas à un affrontement général avec les Romains. Leur tentative d’invasion s’achève comme on essaie de se débarrasser de parasites.
Cette diversion freine considérablement l’entente cordiale naissante entre les résistants gaulois et bretons. La potion n’est pas vraiment magique. Comme dans le film, il y a l’eau chaude mais il manque le savoir-faire d’un druide. Heureusement, quelqu’un a eu la bonne idée d’importer quelques bonnes feuilles, donnant du goût à tout cela. Ce sous-entendu sur la liaison ambiguë entre Astérix et Obélix, colocataires promenant leur petit chien, est de loin le plus intéressant. La sexualité des héros est ainsi défiée par le cinéma, après avoir fait couler beaucoup d’encre dans les livres d’experts freudiens en personnages de BD.
Mais ne croyez pas qu’Astérix devient adulte. Film familial par excellence, plaisant, n’est-il pas, ce 4e opus fait oublier son désastreux prédécesseur. Mais à trop vouloir coller, artistiquement, aux couleurs de la bande dessinée, à refuser une transformation artistique radicale, notamment en misant davantage sur le réalisme de l’époque et la noirceur psychologique de personnages solitaires et isolés, on y voit qu’une simple déclinaison divertissante d’une série d’albums qui, rappelons-le, étaient un miroir cruel tendu à la France des années 60 et 70. Un bon cru de cervoise mais pas de quoi casser du romain.
vincy
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