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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Frankenweenie
USA / 2012
31.10.2012
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ON NE VIT QUE DE FOI
«- Je ne voudrais pas qu’il devienne, disons, différent. »
C’est dans les vieux pots… Tim Burton a retrouvé l’inspiration, la poésie, la grâce qui lui manquait tant depuis des années à force de se perdre dans des blockbusters inégaux et souvent caricaturaux. Il tournait en rond, croyant que son style le différenciait suffisamment pour se singulariser et créer une « magie », hélas absente.
En déterrant son court métrage ancestral Frankenweenie, il a retrouvé la foi. A l’instar de son héros, le jeune Victor qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, Burton a ressuscité non pas son chien Sparky mais son cinéma. Il bricole ses vieux jouets et retrouve l’élan de ses comédies fantasques, flirtant avec la série B, tout en se moquant avec allégresse de ses congénères américains. De Beetlejuice à Edward aux mains d’Argent, des Noces funèbres à Batman, les clins d’œil ne manquent pas.
Le réalisateur retourne en enfance avec un film d’animation familial où le macabre n’a rien de noir. N’oublions pas que Disney est en coulisses… la morale est bien plus sage. Ici les zombies et autres mutants sont des animaux défunts. Les coups de foudre sont à prendre au sens premier du terme : ça fait tomber les jeunes filles. La science stimule les esprits et l’imagination, face à une populace ignare et moutonnière.
Burton aime les expériences scientifiques et le surnaturel qu’elles défient.
Avec cette ressemblance évidente entre Victor et Tim, Frankenweenie semble presque autobiographique. Le prologue où le jeune garçon montre à ses parents un court métrage fait de bric et de broc ne peut qu’évoquer les débuts du réalisateur. Le récit qui suit est plus classique mais ne manque pas de jolies trouvailles (son obsession hollandaise), de rebondissements et d’emballements, d’émotions, de divertissement. La satire de la société américaine, avec ses oisifs et ses obèses, est agréable, quoique déjà vue.
Surtout, le cinéaste cadre avec soin, ne manque aucun gag grâce à une mise en scène habile et sans fausse note. Il y apporte sa touche personnelle : un squelette envahissant dans la classe, quelques monstruosités, des enfants bizarres et laids. Dans cet univers gothique, on lit l’avenir dans les crottes de chat. Toutes ces petites horreurs sont sublimées par une esthétique noire et blanc qui adoucit le film. Ce Frankenstein version Burton est une forme de parodie enfantine, comme ces bonbons acidulés qu’on distribue à Halloween.
C’est farfelu et « jubilatoire ». Un amusement collectif, pas loin de Gremlins et de Godzilla, quand les bestioles attaquent. C’est en fait un hommage palpitant à un cinéma « super 8 » et souterrain, entre Ed Wood et les séries B des années 30. Burton s’en donne à cœur joie, pour notre plus grand bonheur, à saccager la ville bien proprette, à la morale bien stricte. Et pourtant, c’est sur une note tragique et sentimentale qu’il achève son grand huit. Se moquant une fois de plus de l’opinion publique et sacralisant, une fois de plus, ceux qui sont différents… Frankenweenie a ressuscité bien plus que le réalisateur : il a donné vie à une œuvre aussi marquante que ses films les plus emblématiques.
vincy
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