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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Argo
USA / 2012
07.11.2012
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L'ILLUSIONNISTE
"Si vous tuez une personne, ils nous tueront tous."
Argo est le troisième film de Ben Affleck en cinq ans. Avec ce dernier (véritable succès public aux USA), il semblerait que l’acteur-réalisateur américain ait définitivement gagné ses galons de réalisateur à part entière. Au même titre qu’un certain George Clooney, également producteur sur le film. En clair, celui-ci serait réussi. En effet, en formalisant sur pellicule la mission de sauvetage secrète, aussi farfelue qu’improbable (mais vraie), de six américains réfugiés dans la résidence de l'ambassadeur du Canada à Téhéran (Iran) au cours de l’année 1979 suite à la prise d’assaut de l’ambassade américaine par des centaines d’activistes iraniens, Ben Affleck revisite l’histoire sous la forme d’un thriller politique au suspens de tous les instants. Haute tension garantie.
Sur ce point Argo affirme une identité. Assume un ton. Ose même une approche qui n’est pas sans rappeler, influence oblige, les grands thrillers des années 70. Mais, en laissant de côté l’aspect géopolitique esquissé lors d’un générique graphique remarquable de concision rappelant, entre autre, le rôle de la CIA dans la destitution du premier ministre iranien Mossadegh, le réalisateur conditionne sa narration – et la crédibilité du film – autour de cette incroyable opération.
Conscient de détenir un scénario en or (merci Chris Terrio), Ben Affleck focalise sa mise en scène sur les faits – et rien que les faits – afin de nous plonger au cœur des événements qui s’enchainent, sans temps mort ni propension à distiller des sous-intrigues parasites. La lecture ainsi proposée demeure factuelle, efficace, toujours réaliste. Malgré des allers-retours permanents entre l’Iran, Hollywood et la CIA, la narration est d’une fluidité remarquable. Tout est dosé avec précision, de la reconstitution des seventies à la mise en marche d’un plan improbable.
La précision documentaire croise la magie de la fiction. Le thriller politique se mue alors en un film de genre des plus captivants structuré autour de deux séquences étouffantes de tension (la séquence introductive dans l’ambassade américaine et celle, finale, à l’aéroport international de Téhéran). Elles balisent l’exfiltration à proprement dite, en justifie son élaboration comme sa raison d’être. Bref, elles donnent le « la » d’un long-métrage habile suffisamment accrocheur dans sa « contextualisation » pour vous tenir en haleine pendant les 2 heures que dure le film – et qui passent très vite.
Son navire aux illusions (réalisation d’un film de fiction sur des faits réels au sujet d’un plan de sauvetage conçu à partir d’un faux film) ne manque ni d’urgence ni d’humour. L’ironie douce avec laquelle il peint une Hollywood toute puissante gouvernée par des producteurs patriotes (mention spéciale au duo formé John Goodman et Alan Arkin) répond à la tension extrême d’une mission aléatoire filmée sans fioritures. Cette dichotomie spatiale (Hollywood / Iran) nous rappelle néanmoins l’imbrication, devenue de plus en plus ténue au fil des ans, entre fiction et réalité ou tout ne serait qu’un jeu de dupe. Même si des vies sont en danger. Ce que la séquence de la soirée mondaine avec lecture publique du scénario (en présence des acteurs du faux film et des médias) vient renforcer. Le détachement est de façade mais les enjeux véritables. En somme il ne faut pas se planter mais ne pas le montrer. "Si je fais un faux film, ce sera un faux succès."
La mission est structurée autour de cet impératif catégorique. D’où la tonalité « thriller » mise en avant. La tension est palpable, électrisante (la scène de « sortie » des otages dans le Grand Bazar de Téhéran fait son effet), à taille humaine. Ben Affleck filme près des corps, scrute les visages, les regards, les attentes. Alors que le plan se déroule sans véritable accroc, le réalisateur arrive à distiller un suspense haletant ou chaque évènement, même le plus anodin, pourrait compromettre la mission de sauvetage. Le point d’orgue prend place lors du passage dans l’aéroport. La réalisation se tend, capture l’espace qui se réduit et rallonge le temps de l'angoisse. Jusqu'au bout, on reste scotché au siège. La dramaturgie est parfaite !
Argo réussit l’exploit de divertir les spectateurs sans pour autant les prendre pour des ignorants. En restant fidèle à sa ligne de conduite initiale, Ben Affleck tisse un thriller politique remarquable d’immersion qui ne diabolise jamais l’Iran. Son état d’urgence en continu le rend attrayant d’un point de vue narratif et terriblement actuel. Les récents événements qui ont frappé l’Amérique à l’étranger (attentat du Consulat américain en Libye et attaque de l’ambassade américaine au Yémen) ne sont pas sans faire écho au film. Le relief devient alors plus politique car de conjoncture. Ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.
"L'alcool est à présent autorisé..."
geoffroy
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