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SYNDROMES AND A NIGHT PARTY
"Si une chose se passe, et que personne n'en parle, est-ce ce quelque chose a eu lieu?"
C'est à la fois maîtrisé et brouillon, romanesque et expérimental, esthétique et naturaliste. L'âge atomique est un film exigeant qui ne s'adresse pas à toutes les pupilles. Captation d'une nuit ordinaire d'un duo banal, le film résonne comme un écho juste aux angoisses actuelles de la jeunesse, désoeuvrée. Mais, il se complaît aussi dans un style auteuriste ostentatoire.
Au départ, un jeune homme, l'âge ingrat, les hormones qui bouillonnent, et son pote, plus âgé, immigré de l'Est, poète dépressif, bisexuel. Red bull, vodka. Ils sont complices mais non dénués d'arrière pensées. Cependant, le dénouement ne sera pas charnel mais onirique : une traversée, un peu éprouvante, d'un bois la nuit. Là où tous les cauchemars peuvent surgir, tous les fantômes peuvent s'inviter, toutes les peurs se réveillent. Et pourtant, la réalisatrice, à l'instar d'un Weerasethakul, ne nous emmène nulle part ailleurs que dans un mystère libre d'interprétation : la nature est envahissante. Les deux jeunes mâles ne sont qu'aux pieds de la colline, à gravir. L'âge d'homme devant eux.
Mais avant cela, il aura fallu passer quelques rituels. La boîte de nuit, les râteaux, les combats entre jeunes coqs, les fortunés et les seconde classe, le flirt avec l'illégalité, les coups de blues, les rêves interdits... Les dialogues sont dits sans fioritures. Comme s'il s'agissait d'un documentaire filmé par Eric Rohmer. L'atmosphère nocturne, les lumières de la ville, toutes artificielles, la musique électronique, plus d'ambiance que dansante donnent une allure particulière à ce voyage initiatique où un vampire, cet ami venu de l'Est, cherche à croquer sa proie, bien naïve. Prête à se laisser sucer le sang quand il comprend que "les filles c'est trop dur, c'est écoeurant."
Portrait d'une génération en déshérence, dans les bas fonds urbains. Romantique et paumée. La cinéaste filme avec grâce les corps qui bougent, les gestes des jeunes, les contradictions des uns et les ambiguïtés des autres. Comme chez Philippe Garrel. Décidément les influences se mélangent ici. Ça rend le film encore plus insaisissable avec son manque de narration dramatique, cette absence d'intensité, cette carence de substance, l'approche d'une forme presque caricaturale. Très léché visuellement - même le trash est sublimé - avec des comédiens ne jouant pas vraiment, des mots presque faux, trop beaux pour être vrais, L'âge atomique est traversé par quelques fulgurances, qu'on peut voir aussi dans le cinéma d'un Dolan : comme cette séquence de drague homo, brutale et lacrymale.
Le temps se suspend. Insouciance. No limits. Indécisions permanentes. Ne pas être pédé mais pourquoi pas marin fassbindérien. Genet, Rimbaud et Verlaine. Les ombres des amours clandestines et des dragues interdites planent au dessus de ces deux personnages marginaux. Anticonformistes, rejetant carte gold, bolides et abdos plats. Refusant le règne de l'éphémère, les sourires en sursis, le diktat de l'apparence. Mais prêts à être violents, agressifs, verbalement, physiquement. Ils deviennent deux frères dans l'adversité, durant cette soirée de merde.
C'est peut être dans ces instants fugaces que le cinéma d'Hélène Klotz se transgresse. Oublie sa grammaire, ses obsessions pour nous livrer quelques éclats de vérité, de rage. Le film est à l'image de ces deux hommes : il ne veut pas être cool, il vise l'éternité. Il préfère être solitaire, torturé, que populaire et (faussement) joyeux. Le sexe, l'alcool et la drogue servent de gouvernail. C'est la touche Pasolini. Klotz est amoureuse d'un cinéma disparu. Elle veut, comme Godard, créer des plans signifiants. Elle a cette fascination pour la fabrication d'un plan, mais elle oublie le récit au point de rendre son film trop abstrait. L'âgeatomique est finalement cérébral et jamais sensuel. Froid comme un homme sans parfum. vincy
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