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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Paycheck
USA / 2003
25.02.04
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LA SOMME DE TOUTES LES EXPÉRIENCES
"- Qu’est ce que c’est? Le destin?
- Le destin est de notre côté!"
Malin, habile, rythmé, le film l’est. On peut au moins reconnaître à John Woo son savoir faire pour une mise en scène toujours aussi trépidante, confortable dans l’action. Mais hélas Woo semble aussi prisonnier de certains tics (le symbolisme niais, de la colombe blanche à la poursuite en moto) le privant d’imagination et d’un renouvellement nécessaire tant sa filmographie piétine depuis Volte/Face. Il se laisse piégé par la facilité que Paycheck, qui a le malheureux concours de circonstance d’arriver après l’excellent Minority Report, échoue dans les deux domaines qui rendent le script intéressants : le parcours psychologique des personnages (ici il y a peu d’ambivalences et les nuances passent mal) et la morale politique (expliqué avec un simplisme démagogique).
Paycheck n’a donc rien de subtil, et c’est hélas ce qui affaiblit ce thriller. Mais pas seulement. Si Eckhart et Thurman jouent leur partition habituelle (lui la mâchoire raide, elle le jeu de jambe rentabilisant les cours de kung-fu pour Kill Bill), Affleck avait l’opportunité de nous surprendre. "Miscast".
Le regard vide, le visage inexpressif, le corps lourd, il n’est là que pour porter la production sur ses épaules depuis longtemps surdimensionnées par des opus enflés tels que Armageddon ou Pearl Harbor. Affleck incarne un ingénieur intelligent. Il aurait pu être routier, paysan ou coach d’une star de la chanson. Un bon donneur de sperme. Mais assurément pas une star d’un film censé nous interroger sur la Mémoire et les Nouvelles Technologies. Il décrédibilise l’ensemble du propos, et joue les remplaçants dans toutes les scènes. À certains moments, on rêve d’un Damon plus charismatique, d’un Cruise plus perturbé ou d’un Reeves plus magnétique. Sans parler d’un Cage ou d’un Penn.
Cela sert très bien ses partenaires, Giamatti en tête, pour lui piquer la vedette, sans trop de difficultés. Mais cela dessert complètement le film. Cette fadeur contribuera sans doute à l’oubli prématuré de cette production un peu trop lisse (au happy end trop facile). Sauver le monde ou le changer n’a plus d’importance. Rentrons bien dans le rang. Avec beaucoup d’argent.
D’ailleurs, le gouvernement comme les multinationales (incarnées par une sorte de Bill Gates) sont mis au pilori. De la part d’un cinéaste chinois vivant à Hollywood, rien d’étonnant dans ce discours très libéral. Toute la différence avec un Spielberg qui nous interpelle sur la responsabilité individuelle et le fascisme. Woo préfèrera critiquer, amalgamer, en évitant d’affronter trop durement les bons sujets de son script : une garde à vue sans avocats, la main mise des industriels sur la recherche fondamentale, l’affaiblissement de notre capacité à mémoriser le passé, la manipulation des images, la guerre préventive... (un véritable programme de campagné électorale en soi). Dans un processus narratif où l’on comprend avant le héros pourquoi il a de la laque dans son enveloppe remplie d’objets sans valeurs, ce qui nous enlève un peu de suspens, le cinéaste prend quelques paris gonflés (par exemple, mettre Thurman de côté pendant 30 minutes : heureusement qu’on ne peut pas l’oublier) qui compensent un peu tous les défauts cités ci-dessus (en plus d'une direction artistique d’une banalité surprenante). Parabole sur le pouvoir individuel, ce film dénué d’émotions, incapable d’amour, restera comme un honnête divertissement, sans magie, et trop peu profond pour marquer nos mémoires. vincy
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