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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Télé gaucho
France / 2012
12.12.2012
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LE NON DES GENS
"Du moment que c’est pas de droite, tu proposes ce que tu veux !"
Comédie joyeusement foutraque, Télégaucho s'inspire librement des années de participation de Michel Leclerc à la télé libre Télé Bocal lancée en 1995. Une initiative citoyenne qui existe toujours et qui, devant sa caméra, s’avère un savant mélange d’activisme politique radical, de contestation érigée au rand de discipline artistique et de n’importe quoi caustique lié à la personnalité hétéroclite des membres de l’équipe.
A l’image de la petite bande, et de leurs reportages bricolés, le film est burlesque et décalé, parfois décousu, parfois tendre, parfois encore un peu vache, et le plus souvent drôle et savoureux. Portrait plein d’auto-dérision et bienveillant à la fois d’une équipe de doux rêveurs bien décidés à inventer leur propre télévision, à contre-courant des chaînes commerciales et lénifiantes. Mi-nostalgique, mi-satirique, Michel Leclerc prend un plaisir communicatif à évoquer ce qui fut dans sa vie une "parenthèse enchantée", faite d'idéalisme et d'engagement sincère, mais aussi de système D délirant et de conflits d’ego.
Les scènes de groupe laissent transparaître l’un des fondements des actions libertaires et protestataires, à savoir le mythe du mouvement collectif avec ce que cela a de magique (œuvrer ensemble pour des valeurs communes) et de forcément décevant (le groupe ne résiste pas à l’épreuve de la réalité, ou pire, à celle du temps qui passe). C’est sûrement pour cela que le réalisateur semble porter a posteriori un regard assez critique sur son expérience militante. Comme si, avec du recul, une certaine déception s’était installée. D’où l’impression que ses personnages, à l’exception de son double interprété par Felix Moati, sont des losers au final un peu ridicules, voire antipathiques.
Mais cela n’intéresse pas Michel Leclerc de juger ses personnages, aussi évacue-t-il rapidement cet aspect-là de son récit, pour n’en garder que la dimension la plus comique. Le scénario souffre sûrement de cette juxtaposition un peu banale d’anecdotes inégales. Tout ce qui concerne le personnage de Sara Forestier, d’ailleurs pas si éloignée de sa prestation dans Le nom des gens, tombe ainsi un peu à plat. Malgré tout, la fantaisie et la vitalité du film l’élèvent bien au-dessus des standards de la comédie française traditionnelle.
Ce qui frappe peut-être le plus, c’est la résonance qu’ont les grandes questions de société de l’époque (défense des sans-papiers, lutte pour les droits des homosexuels…) avec celles d’aujourd’hui. Et finalement, voilà ce qui donne ce ton si désenchanté au film : presque vingt ans plus tard, "l’ennemi" est toujours là, debout, plus fort que jamais, tandis que Michel Leclerc s’est éloigné des mouvements de résistance qu’il fréquentait à l’époque. Pour lui, comme pour beaucoup de militants, le fantasme de l’action collective et de l’engagement tels que véhiculés par Télégaucho s’est étiolé. L’impression est tenace, si ce n’est d’un échec complet, d’un découragement amer.
MpM
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