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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Main dans la main
France / 2012
19.12.2012
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L’AMOUR EST DÉCLARÉ
"J’aime pas être aimable, ça m’angoisse."
Main dans la main peut se voir comme un conte poétique sur la question de l’attachement : attachement amoureux, fraternel, amical. Subi ou volontaire. Joyeux ou sclérosant. Voire au bord de la dépendance. Et parce que Valérie Donzelli a un univers on ne peut plus personnel, elle nourrit cette réflexion avec un cas concret d’attachement au sens presque littéral. Deux êtres soudainement liés l’un à l’autre par un fil invisible qui les contraint à agir de manière synchronisée.
Jolie idée visuelle : Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm sont entraînés dans une sorte de ballet perpétuel qui montre leurs corps se répondre et s’accompagner dans l’espace. De droite à gauche, de haut en bas, les deux acteurs se suivent dans une merveilleuse imperfection de gestes. Et c’est là l’un des aspects les plus malins du scénario : les acteurs effectuent certes les mêmes mouvements, mais de manière pas totalement synchronisée, ce qui évite une trop grande incursion dans le fantastique, et permet une savoureuse distanciation. Les personnages, en effet, s’aperçoivent de cette synchronisation aléatoire, et en jouent. Au cours d’une scène joliment suggestive, ils testent les limites du charme qui les frappe, l’une en se donnant des gifles, l’autre en dégrafant sa chemise. Ce clin d’œil au spectateur rappelle que l’on est plus dans le domaine du symbole que de l’anomalie biologique.
Et d’ailleurs, Valérie Donzelli s’affranchit des tics de narration qui voudraient que leur synchronisation étrange soit au centre du récit. En toute liberté (et en absolue légèreté), elle s’attache à raconter autre chose. Une rencontre réelle, qui prend tout son temps, entre deux êtres qui apprivoisent leur intimité commune. Le syndrome de synchronisation devient alors un détail qui les amène à se côtoyer, à apprendre à se connaître et au final à s’aimer. C’est aussi un formidable vecteur de cinéma burlesque où chaque mouvement chorégraphié donne libre cours à la créativité visuelle et esthétique de la réalisatrice.
Elle joue d’autant plus de ce travail des corps qu’elle place ses personnages dans l’univers très corseté de la danse. La souplesse et la virtuosité des danseurs semblent alors déborder dans la vie courante. Les situations tantôt cocasses, tantôt franchement comiques, se succèdent ainsi, tout en étrangeté retenue. Ce qui n’empêche pas une certaine gravité dans la dernière partie du film, d’une belle intensité dramatique.
Si l’alchimie fonctionne, c’est grâce à la mise en scène aérée et précise, mais également grâce à ce que dégage le duo d’acteurs Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm, tous deux surprenants en individus un peu bancals. Accompagnés de la très touchante Béatrice de Staël et de Valérie Donzelli elle-même, ils rendent crédibles toutes les situations et apportent une profondeur inattendue à ce quatuor fusionnel et sensible. Après avoir réinventé le drame familial dans La guerre est déclarée, Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm proposent ainsi une variation brillante sur le motif de la comédie romantique, épopée intime et lunaire à la fois féerique et ultra-contemporaine.
MpM
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