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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'Odyssée de Pi (Life of Pi)
USA / 2012
19.12.2012
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TIGRE ET GARÇON
"Merci Vishnou de m'avoir fait découvrir le Christ"
Peu importe que le roman soit inadaptable. Ang Lee l'a métamorphosé en conte cinématographique, avec tout ce que cela sous entend : un résultat plutôt académique, sublimé par des images à couper le souffle. Parfait film familial, malgré sa longueur, pour les fêtes, ce "Pi au pays des merveilles" épate visuellement, touche sensiblement mais nous laisse un peu trop dans le rôle du spectateur pour se laisser complètement immergé par cette aventure épique, mais finalement assez classique.
Il est en effet regrettable qu'Ang Lee n'ait pas réussit à équilibrer davantage les différentes variations de son oeuvre. En choisissant
La mise en place de l'histoire, "Il était une fois un garçon nommé Piscine Molitor Patel, dit Pi", aussi indispensable soit-elle, est filmée comme un Fabuleux destin d'un joli Indien. A cela s'ajoute le temps présent, Pi adulte rapportant son incroyable épopée à un journaliste/écrivain, qui entrecoupe le récit, jusqu'à lui faire perdre un peu son rythme. Une narration maintes fois vue, très classique, et qui contraste avec la fluidité de l'ensemble. Bien sûr le long épilogue permet à Pi adulte d'achever son parcours avec une version plus réaliste, mais ce ne sera certainement pas cette partie là dont on se souviendra. Aussi cruelle soit-elle.
Seul au monde, avec un tigre, Pi, après un naufrage digne du Titanic (les vagues en plus), nous emmène dans un périple digne de Robinson Crusoë, sur un radeau. Nous voici médusés. La quête spirituelle du jeune adolescent s'efface au profit d'un existentialisme plus proche du manuel de survie en milieu hostile, et donc bien plus palpitant. Nommé d'après une piscine parisienne, l'ironique destin le plonge dans un Océan Pacifique très peu pacifique. Les effets spéciaux font le reste : un félin féroce plus vrai que nature, au regard hypnotisant, un bestiaire fascinant, et surtout des hallucinations visuelles qui confondent l'horizon, les cieux et les profondeurs marines, les poissons et les étoiles, les abysses et l'âme. Les perspectives sont autant d'illusions.
A côté de ces délires, l'humour empêche le film d'être monotone. L'arche de Pi n'est après tout qu'un mirage psychologique. Une manière de rester vivant, humain, sain pour un jeune homme frappé par les tragédies. La mise en scène, majestueuse, d'Ang Lee atteint une apogée quand il s'agit de ne filmer pendant près d'une heure qu'un jeune homme végétarien (Suraj Sharma est une révélation sensationnelle) et un animal carnivore voguant sur l'eau, sans ennuyer. L'onirisme n'explique pas tout, aussi beau soit-il. La philosophie du lâcher prise aurait été trop simpliste. La démence était un détour facile, même si elle est incontournable. Lee tisse une légende, à l'instar de Tigre et Dragon. Il parabole, il métaphore. Et c'est bien cette version, forcément, qui nous séduit, davantage que celle plus crédible racontée à la compagnie d'assurance.
C'est bien dans la magie que le cinéaste convainc le mieux. Mais c'est bien avec cette mystification qu'il relie L'Odyssée de Pi à ses autres films. Ang Lee explore depuis longtemps le mensonge des humains, celui qui permet de ne blesser personne, quitte à se perdre soi. Ses histoires mettent toujours en parallèle des souvenirs embellis par le temps avec des faits bien moins euphoriques. Cette confrontation à la réalité, après tant de secrets et mensonges, conduit souvent à un drame (la mort d'un ado dans Ice Storm, celle d'un amant dans Brokeback Mountain, la trahison dans Lust, Caution) ou à un épanouissement serein (Taking Woodstock, Garçon d'honneur, Hulk). L'Odyssée de Pi fait partie de la seconde catégorie. Il y a une vie après l'horreur. vincy
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