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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Parade (Parada)
Serbie / 2011
16.01.2013
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HAPPY, TOGETHER
Sous les apparences d’une comédie sympathique, La Parade est, à la manière d’une farce sociale anglaise (The Full Monty) et d’un « feel-good movie » traditionnel opposant des contraires (au hasard, Intouchables), un film universel, tout en gardant sa spécificité locale. Universel car son humour passe bien les frontières. La drôlerie des séquences repose davantage sur des personnages stéréotypés caustiques et des scènes cocasses que par une finesse d’écriture ou des dialogues. Mais La Parade ne se résume pas qu’à une simple comédie autour d’un groupe d’excentriques fanatiques (les uns regrettant la guerre des Balkans, les autres combattant des discriminations culturellement ancrées dans leur pays).
Alors qu’en France, une minorité active tente de défendre l’une des dernières digues judéo-chrétienne sociétale – le mariage entre un homme et une femme -, alors que de nombreux pays occidentaux, sud-américains, quelques Etats des USA ont décidé de légaliser le mariage entre homosexuels (et même parfois davantage : adoption, assistance médicale pour la procréation…), la Serbie, à moins de deux heures d’avion de Paris, est encore l’un des pays les plus homophobes du Vieux continent. Il ne fait pas bon d’être « pédé » dans l’ancienne Yougoslavie. En prenant comme pilier un fait réel (des « gays prides » difficiles à organisées à Belgrade), Srdjan Dragojevic démontre à quel point les préjugés sont tenaces dans un pays à la culture machiste. Hooligans, nationalistes, fachos, tous veulent casser du « pédé », cible facile quand on n’a plus de kosovars, bosniaques ou autres minorités à buter. Et c’est brutal. On peut risquer sa vie en étant juste homo. Salutaire de le rappeler. Sous son allure légère, La Parade est un film engagé.
D’ailleurs, le film ne nous assènera pas le traditionnel happy end joyeux. L’épilogue, avec de véritables images de la première « marche des fiertés » officielle (encadrée par des centaines de policiers, moins nombreux que les opposants), avec en fond sonore le Requiem de Mozart, est également le deuil d’un rêve inaccessible, celui d’un pays respectant une minorité qui souhaite vivre librement.
Mais pas seulement : La Parade est bien plus qu’une comédie gay, avec ses clichés, ses références (La cage aux folles notamment) et les blagues qui correspondent. Le film raconte également une autre histoire : celle d’un pays fracturé depuis la guerre. Croates, Bosniaques, Serbes… les préjugés ne sont pas moins virulents entre eux qu’entre un hétéro et un homo. Le scénario va contraindre un chef maffieux Serbe à rassembler une « milice » hétéroclite (comprendre : plusieurs nationalités, plusieurs religions, tous anciens Yougoslaves) pour défendre des gays et des lesbiennes… Une union sacrée baroque et amusante qui provoque une grande partie des rires dans la salle. Cette réunion des Yougoslaves révèle que les fractures de l’ancien pays ne sont pas encore cicatrisées, mais aussi que cette Yougoslavie rime avec nostalgie.
En tissant ces deux histoires en parallèle - l’affirmation des homosexuels et la détermination à pouvoir être amis entre Croates, Serbes, Bosniaques et autres - et en répliquant à chaque préjugé, cliché, absurdité par une parole juste, une réflexion sage ou même un gag les réduisant à néant, Srdjan Dragojevic réussit à faire passer son message avec simplicité et drôlerie : un message qui plébiscite le « Vivre ensemble », espoir pas tout à fait impossible, si l’on est patient.
vincy
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