Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Rendez-vous à Kiruna


France / 2012

30.01.2013
 



JE RÈGLE MON PAS SUR LE PAS DE MON FILS





"On n’est pas obligé de se parler"

Ce qui frappe à la vision de Rendez-vous à Kiruna, c’est sa finesse d’écriture. Parfaitement équilibré sur toute la longueur, le scénario est construit comme une succession de situations simples, bien posées et bien amenées, qui oscillent entre comédie burlesque et mélancolie légère. Les personnages ne sont pas en reste, qui existent en une scène, même les plus secondaires, et apportent chair et sensibilité au récit. Chacun a une souffrance intérieure qu’il dissimule derrière une façade conventionnelle d’archétype (le biker violent, l’homme d’affaires désagréable, l’amant jaloux…), donnant lieu à de savoureux retournements de situations.

Anna Novion s’amuse ainsi avec les codes du road movie, sans vraiment les malmener. Son personnage fait des rencontres fortuites, évolue au cours du voyage et reviendra différent de ce qu’il était en partant : la trame est classique. Ce qui en fait le charme, c’est le ton donné à ces rencontres, qui sont autant d’occasions d’aller à la découverte de l’autre. Quelles que soient les circonstances, et malgré le contexte éminemment tragique de l'histoire, l’humain demeure ainsi toujours au cœur de chaque séquence.

Par exemple, Ernest se retrouve en voiture avec Magnus, un jeune homme qu’il a pris en stop, et John, un motard danois qu’il a volontairement renversé. Un délicieux dialogue de sourds s’instaure entre eux, en raison des traductions fantaisistes de Magnus. C’est un passage presque hilarant, plein de vivacité et d’invention. Puis, peu à peu, les trois personnages entrent en communication et se trouvent un langage commun, qui débouche sur une certaine complicité. L’air de rien, toute la subtilité des rapports humains transparaît de cette séquence douce amère qui est peut-être la plus réussie du film.

Il faut dire que la réalisatrice n’a pas son pareil pour filmer avec une étonnante simplicité narrative la profonde humanité dissimulée dans le quotidien le plus banal : un orchestre qui joue en plein air, un homme qui découvre l’appartement de son fils inconnu, un petit-fils qui retrouve son grand-père… Pas une humanité de complaisance, belle, pure et hypocrite, mais un élément indicible qui fait de l’être humain ce qu’il est, avec ses défauts et ses espoirs, ses compromis et ses regrets, ses échecs et ses souvenirs. Il faut regarder Rendez-vous à Kiruna à la lumière de cette humanité un peu cabossée pour se laisser porter par la justesse un peu fragile de cette histoire à la fois minuscule et universelle de filiation complexe et d'amitiés fugitives.
 
MpM

 
 
 
 

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