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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Poussière du temps (Trilogia II: I skoni tou hronou)
Grèce / 2009
13.02.2013
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LE BALLET DU DESTIN
"On a été balayé par l’histoire."
Peut-être parce qu'il sort après la mort de son réalisateur, La poussière du temps donne l'impression d'un film testament. Pourtant, il a été pensé comme le deuxième volet d'une trilogie, désormais inachevée. Mais puisqu'il semble faire le bilan du XXe siècle à travers une histoire de transmission, peut-être l'impression est-elle plus juste qu'il ne semble. Peut-être s'agit-il bien d'une œuvre somme qui englobe à la fois la carrière du cinéaste, le monde et le cinéma des trois ou quatre dernières générations.
Comme souvent chez Angelopoulos, vie et cinéma sont en effet mêlés jusqu'à se confrondre. Les longs flashbacks qui racontent la vie d’Eleni et de Spyros, les parents du personnage principal (qui est réalisateur), pourraient être des extraits du film en train de se faire, dotés de leur propre identité visuelle. N'est-ce d'ailleurs pas le cas ?
Car lorsque les temporalités se mêlent au cours d'une même séquence, la frontière entre réalité et fiction se brouille elle-aussi. Les lieux et les situations se répondent et se font écho, comme si le temps s'était courbé et que tout avait finalement lieu en même temps, ou dans un ordre qui ne compte pas.
Le 20e siècle est bien là avec ses folies et ses grandes causes, et au milieu les hommes condamnés d'une génération à l'autre à revivre les mêmes émotions, voire les mêmes tourments. Ainsi la fille du cinéaste, insaisissable, boucle-t-elle la boucle, version moderne de son aïeule dont elle porte d’ailleurs le prénom.
Tout n'est pourtant pas dramatique dans cette Poussière du temps au titre si explicite. Au contraire, le romanesque l'emporte presque sur tous les plans. Le cinéma a beau être mis de côté par l’intrigue (en cours de route, on perd de vue le tournage), il est en réalité partout, plein de vitalité et de créativité, invitation permanente à observer, à réfléchir, et aussi à transmettre. C'est presque comme si la vie remplaçait le cinéma, occupait toute la place. A moins que le film ne prenne le pas sur la vie, et raconte à sa manière une réalité qui l'arrange. D'où ces allers et retours, ces époques qui se passent le relais dans une même séquence.
Le spectateur flotte lui-aussi parmi ces fantômes, entraîné comme eux par le cours de l’Histoire et du temps qu’il ne maîtrise pas. On touche au tragique, aux mouvements antagonistes entre l’impossibilité qu’a l’homme de contrôler son destin et l’espoir effréné qu’il a malgré tout de le faire. Ainsi, Spyros et Eleni n’hésitent pas à traverser les frontières (géographiques comme idéologiques) au péril de leur vie pour poursuivre leur rêve, brisé, d’une vie commune apaisée. C’est un peu comme s’ils se cherchaient pendant presque tout le film, dans un jeu de cache-cache particulièrement cruel.
On ne peut nier le souffle épique qui anime le récit, ni l’impeccable maîtrise d’Angelopoulos qui distille ça et là les preuves de son talent de metteur en scène. Malgré tout, la seconde partie du film se fait plus poussive, plus banale, peut-être parce qu’elle cherche à expliquer plus qu’à laisser percevoir. On s’ennuie au détour de certaines séquences qui ne peuvent s’empêcher de raconter dans les détails ce que la première partie avait si finement suggéré. Alors que la tragédie est sur le point de se dénouer, avec ce que cela implique d’intensité, les hésitations du scénario affaiblissent ce qui aurait dû être l’apogée du film. La poussière du temps, admirable métaphore pour ce qui reste de nos vies, s’évapore alors comme une poignée de cendres dispersées par le vent.
MpM
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