Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La religieuse


France / 2013

20.03.2013
 



DE LA SUFFISANCE DE LA RELIGION





«- Marchez sur elle, ce n’est qu’un cadavre

Est-ce le voyage dans le temps ? La pression littéraire de ne pas trahir Diderot ? La référence cinématographique que Rivette imposa en réalisant lui-même une Religieuse anthologique ? Toujours est-il que Guillaume Nicloux, cinéaste qui sait traduire les atmosphères les plus pesantes, les plus poisseuses, a perdu de sa grâce en quittant ses polars psychologiques…

a religieuse, triptyque habité par trois garces, ne restitue jamais la folie née de l’enfermement injuste et révoltant d’une jeune fille, de couvent en couvent. Sa caméra semble beaucoup plus à l’aise en illustrant l’emprise de trois mères supérieures sur la nonne-malgré-elle. Ce déséquilibre, forcément frustrant, est accentué par les ajouts du scénario (un avocat cherchant à sauver la demoiselle de ses diaboliques « patronnes ») qui atténuent la tension, et rendent l’ensemble parfois bancal. Ainsi, nous passons de scènes sublimes par leur austérité (éclairées à la bougie, refroidies par des décors nus et épurés) à des séquences trop classiques, jusqu’à un happy end optimiste et lumineux qui contraste trop violemment avec l’époque (et le film de Rivette).

Si l’esprit de Diderot est toujours intact, vantant la liberté individuelle et critiquant une forme de diktat religieux, le film préfère se focaliser sur les rapports pervers qui conduisent la « batarde » en enfer, au sein même des maisons dédiées à Dieu. De manière trop prévisible, on passe ainsi de Françoise Lebrun, exquise et ambiguë sous sa douceur manipulatrice, Louise Bourgoin, admirablement dirigée, masochiste et dominatrice malgré ses sourires et son apparente suavité, et Isabelle Huppert, qui joue du Isabelle Huppert, en lesbienne pulsionnelle, piégée par ses désirs.

Ce systématisme n’allège pas la narration, déjà plombée par une histoire parallèle postérieure aux événements. Il faut tout le talent de la jeune Pauline Etienne pour que l’on ressente le désespoir, la détresse, l’horreur, le rejet de sa condition, élevant ainsi le film à un autre niveau, plus impénétrable, sans qu’on soit transcendé, n’exagérons pas. Mais sa détermination à aller vers les voies de la désobéissance, après tant de sacrifices et de soumissions, la rend attachante. Nicloux n’a pas perdu son don pour transformer les « losers » en magnifiques.

Il a su également, comme toujours, filmer une communauté, avec ce huis-clos oppressant, ses rites parfois barbares, souvent peu catholiques. Nicloux aime entraîner ses personnages dans une spirale infernale, des cauchemars qui conduisent à des impasses. Mais, contrairement à ses autres films récents, la construction narrative, en chapitres, empêche le film de glisser naturellement vers l’obscurité la plus totale, comme Rivette avait su le faire. Les allers retours dans le temps, les interventions de personnages extérieurs, ce faux suspens qu’il essaie d’installer (on comprend dès le début quelle sera l’issue de ce récit) parasitent son ambition de nous faire partager physiquement cette lente descente vers la déshumanisation de la jeune fille. On revient trop souvent à la lumière, on sort trop souvent des couvents.

En cherchant une manière de raconter autrement l’histoire, de manière plus contemporaine, le réalisateur a perdu l’intensité qu’aurait pu procurer cette succession de tortures physiques, charnelles et mentales. Depuis quelques mois, de nombreux cinéastes se sont heurtés à ce problème de l’enfermement : Mungiu avec Au-delà des collines, ou Miller avec Thérèse Desqueyroux, pour exemples.

Reste le sentiment de révolte face à cette église censée être compassionnelle et qui devient monstrueuse. Pathétique même. Le portrait n’est pas flatteur. La religieuse a au moins ce mérite : montrer que le dogmatisme et le communautarisme sont encore maintenant deux sales virus pouvant anéantir la liberté de penser.
 
vincy

 
 
 
 

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