Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 23

 
The Place Beyond the Pines


USA / 2013

20.03.2013
 



L’IMPASSE

Le livre Bye Bye Bahia



«- Me prends pas pour un minable. »

Après le désenchanté Blue Valentine, Derek Cianfrance signe une œuvre ambitieuse tout autant qu’ennuyeuse. The Place Beyond the Pines souffre de ses références trop appuyées à des cinéastes comme Martin Scorsese, James Gray ou, plus ancien, Nicholas Ray. Il ne suffit pas d’évoquer la pourriture des flics, avec Ray Liotta en guest, les destins liés d’individus antagonistes piégés par leur opportunisme ou même de confronter les doutes de chacun au détriment d’un suspens plus classique pour atteindre le niveau des réalisateurs qui ont inspiré ce film.

On peut louer le risque qu’a pris Cianfrance en juxtaposant trois histoires, comme trois nouvelles aux thématiques dissemblables. Ainsi, Ryan Gosling, dont l’idée clef est de porter des t-shirts à l’envers, ouvre le film, caméra le suivant dans son dos, à la manière des Dardenne. Ce premier chapitre est dans la lignée de Blue Valentine, dans lequel l’acteur jouait aussi, entre mélo et drame. On préfèrera sans doute le comédien en cascadeur dans Drive (ici, il troque les caisses contre une moto), mais cette première partie a l’avantage de proposer par moments de la tension, à défaut de capter notre attention. En insérant quelques braquages, le réalisateur nous donne l’illusion d’un film d’action, illusion renforcée par la conclusion de ce chapitre, où Gosling tente d’échapper à la police après un casse foireux.

C’est là qu’intervient, enfin, Bradley Cooper, jeune flic, futur héros. Ils se passent le relais, dans le sang. Un pacte diabolique, pour que la fin soit bien christique - en quelque sorte. Le deuxième chapitre peut commencer. Nous voici basculant dans une toute autre histoire, où la corruption des flics prend le dessus. Le film devient plus noir, tentant de créer une atmosphère plus angoissante, à l’issue plus incertaine. En chevalier blanc, honnête, justicier local, le personnage de Cooper expose sa famille aux représailles de ses collègues.

On comprend vite où le cinéaste veut en venir, plus rapidement que les scènes qui déroulent avec patience et en détail la vie de ses deux protagonistes. Qu’on soit voyou ou flic, chacun est sous l’emprise de son éducation (sans père pour l’un, avec une figure publique paternelle pour l’autre) et de son système (la délinquance et ses règles d’un côté, la police et ses codes de l’autre). Dans les deux cas, la marge de manœuvre est limitée, et tous deux foncent droit dans le mur, après une longue glissade infernale. Cianfrance place ses protagonistes au début d’une voie, a priori prometteuse (en tout cas pleine d’espoir) avant de découvrir qu’elle est sans issue.

Lucide : le pauvre perd tout, le riche s’en sort. Nous voici désormais 15 ans plus tard. Le troisième chapitre s’ouvre. Après les braquages, la corruption, voici venu le temps de la vengeance, sur fond de petits trafics, luttes des classes, jeunesse paumée. Cet épilogue, interminable, est censé donné une cohésion à l’ensemble. On s’interroge tant il plombe le film. Avec une démonstration psychanalytique lourdingue, le réalisateur nous inflige la vie des fils respectifs de Gosling le bandit et Cooper le juriste. Autant dire qu’ils sont mal barrés dans la vie : l’un a tout, mais semble subir les absences et la carrière de son père ; l’autre est aimé mais cherche inconsciemment son géniteur.

De trahisons en pardon, de culpabilité en sauvetage, tout ne sera infligé de manière manichéenne. Et moraliste. The Place Beyond the Pines met autant de temps à installer son récit qu’à l’achever. Tout ça pour confirmer l’adage « tel père tel fils ».

Evidemment, comme dans Blue Valentine, Derek Cianfrance éclaire sa vision pessimiste du monde par quelques éclats de bonheurs et des rayons de lumière, comme une nostalgie évaporée ou une vieille photo froissée. La mise en scène est soignée, parfois libérée (dans l’action notamment) du classicisme ambiant. Mais en manquant de rythme, de consistance, en se noyant dans un succédané de psychologie de bazar, en refusant toute forme de dérision, et parallèlement en en accentuant tout petit drame, le cinéaste livre une œuvre pesante, n’évitant aucun cliché.

Cependant, il y a un domaine où le réalisateur a su garder ce qui nous plaisait dans son film précédent : les relations de couple, qui s’ajoutent à tous les thèmes sus mentionnés. Là aussi le bonheur semble impossible, les couples étant en désaccords permanents. Mais la fébrilité et l’intensité des rapports permettent à The Place Beyond the Pines d’être plus intéressant quand il s’agit d’intime. Malheureusement, à trop vouloir dire, montrer, signifier, le film se noie comme ses personnages : piégé par son ambition, respectant trop les codes et les règles, il portait un espoir. Hélas, c’est une impasse qui nous attend.
 
vincy

 
 
 
 

haut