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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Berberian sound studio
Royaume Uni / 2012
03.04.2013
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CRIS ET CHUCHOTEMENTS
"J’ai juste besoin de hurler, c’est tout."
Poursuivant dans la veine aride et glaçante de son premier film (Katalin Varga), Peter Strickland rend hommage au giallo italien (cinéma d’exploitation qui mêle horreur, érotisme et intrigue policière) avec un film à l’ambiance anxiogène et cauchemardesque qui laisse pourtant hors champ toute image violente. Cette dichotomie permanente entre le son (celui du film dans le film, avec hurlements et bruitages inquiétants) et l’image (celle, presque banale, d’un studio de mixage) crée au départ un contraste amusant, presque léger, puisque l’on ne voit à aucun moment les scènes terrifiantes que suggère le son. Puis, peu à peu, l’atmosphère s’épaissit. Le trouble confine à une certaine oppression, qui se mue en angoisse, et finalement en folie. Comme si une contamination subtile s’opérait entre le film italien sur lequel travaille le personnage principal, avec son lot de sorcières atrocement mutilées, et l’existence de ce même personnage, rangée et méticuleuse.
Gilderoy devient alors le témoin presque muet, car gêné par la barrière de la langue, de cette violence indicible qui transpire de l’écran. Coupé de tout, il est comme assiégé par les cris, les chocs, les vociférations, qui envahissent subrepticement son existence, jusqu’à mêler les deux histoires parallèles dans un récit halluciné dont on ne peut démêler le vrai du faux. C’est dans cette spirale infernale que Peter Strickland perd le spectateur. Trop fasciné par la construction géométrique de son film, une boucle sans fin dans laquelle le personnage finit par être "digéré" par le système, le cinéaste ne prend pas conscience de l’immense flou dans qui règne dans la dernière partie de son récit.
Toutefois, en dépit de ce déconcertant épilogue, on est malgré soi envoûté par l’ambition esthétique de Berberian sound studio, qui fait naître une tension palpable en quelques changements de focale associés à des éclairages au néon. Mais le plus impressionnant, c’est bien sûr le travail que font Strickland et son ingénieur du son Joakim Sundström, sur l’ambiance sonore du film. Les hurlements amplifiés dans un écho sans fin, les fruits mûrs fendus à coup de machettes, les talons qui claquent créent le climat typique des films d’épouvante jouant avec les nerfs de celui qui observe, voyeur, l’action se mettre en place. Placé dans la même situation glaçante que Gilderoy, le spectateur expérimente à la fois l’angoisse de celui qui regarde un film d’horreur et la toute puissance de celui qui la génère. Une ambiguïté plutôt raccord avec le genre auquel le film cherche à s’identifier, tout en lui rendant un hommage des plus fascinants.
MpM
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