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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Clip (Klip)
Serbie / 2012
10.04.2013
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L'AMOUR EN FUITE
La courte séquence filmée avec un téléphone portable en introduction pourrait symboliser Clip. Une jeune fille avec une attitude d’allumeuse se montre en demande de sexe et révèle en fait une autre envie : l’envie d’une nouvelle vie, d’une nouvelle vie ailleurs. Jasna est encore une étudiante scolarisée mais plus tout à fait une adolescente ni encore une femme, elle se trouve à cette période où du haut de ses 16 ans, on envisage qui on sera(it) dans le futur.
Jasna vit en banlieue de Belgrade dans un environnement toujours marqué par les ruines de la guerre, dans une famille où le père est mourant, dans une école ennuyeuse. Rien ne lui offre une belle perspective vers laquelle se tourner, la seule échappatoire vers quelque chose de nouveau serait que Djole, ce garçon populaire et plus âgé de l’école, tombe amoureux d’elle…
Clip est autant le portrait de cette jeune Jasna que celui des jeunes de sa génération, vu par la réalisatrice Maja Milos. Pour donner un peu de couleur au quotidien terne, on devient des personnages, pour rêver à partir de cette réalité, on joue avec les codes de la virtualité. On y voit des adolescents avec téléphones et ordinateurs connectés aux réseaux sociaux et au monde, cet autre monde qu’ils essaient de réinventer. On prend la pose en photo comme une Britney ou une Spring-breaker. Les filles se préparent pour sortir en boite et s’habillent avec des vêtements très courts et moulants pour dévoiler leurs corps, elles se maquillent comme des voitures volées, volées aussi les bouteilles d’alcool. Les virées nocturnes visent autant à se divertir qu’à s’abrutir : sexe, drogue, et de plus en plus.
Comme les premières images des filles qui sortent le suggère au début, la réalisatrice a choisi comme fil rouge la sexualité, cette façon de tester son pouvoir d’attractivité sur les autres. La jeune Jasna va s’abaisser de plus en plus loin dans ce domaine. La caméra veut nous en montrer d’ailleurs le plus possible, et le film contient de nombreux moments explicites proches de la pornographie. Si le corps de la jeune fille est érotisé, il n’en est pas de même pour les actes sexuels, qui sont plutôt à l’inverse glauques et humiliants (surtout ce qui se passe à plusieurs reprises dans des toilettes).
La force de Clip est de ne pas vouloir porter un jugement sur ces adolescents, leurs comportements excessifs sont mis en parallèle avec leurs autres journées monotones. Le film montre du début à la fin une alternance de séquences de ‘défonces’ et de séquences d’ennui, ces adolescents qui expérimentent tout entre eux puis les mêmes seuls qui ne font rien à la maison. Cette alternance entre les moments de dérives et les moments immobiles dans la cellule familiale révèlent que les parents sont déconnectés de leurs enfants et semblent n’avoir aucune idée de ce qu’ils font… Cette répétitivité connaît une variation vers la fin avec deux séquences plus sensibles et en même temps plus tragique : Jasna est "encouragée" par sa famille à séduire quelqu’un et celle-ci en stage dans un orphelinat verra que des petites fillettes ont-elles aussi cette propension à se faire photographier/filmer de façon à ce qu’on les regarde.
A la différence d’autres films avec des adolescentes qui veulent provoquer leur entrée dans le monde des adultes (comme Turn me On! en Norvège ou Ils mourront tous sauf moi en Russie…) avec des initiations malheureuses, dans Clip il n’est pas vraiment question de premières fois mais plutôt d’avoir presque déjà compris. Le corps est un instrument, le téléphone devient un miroir que l’on manipule à son avantage. Il faut bien que jeunesse se passe… d’une manière ou d’une autre.
Kristofy
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