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STUPEURS ET TREMBLEMENTS
C'est un film aussi troublant que saisissant, fortement polémique même, que nous offre Ziad Doueiri. Le réalisateur avait sublimé Vahina Gociante dans le très perturbant Lila dit ça. Ziad Doueiri n'a rien perdu de sa capacité à transcender la violence tout en y insérant une tendresse devant laquelle on ne peut finalement- et un peu paradoxalement - que lâcher les armes.
La stupeur
A force de volonté, le médecin Amine Jaafari a réussi à faire carrière dans un univers juif alors qu'il est arabe. Alors qu'il reçoit une distinction et juste avant de faire son discours de remerciements, il reçoit un appel de sa femme qu'il prend pour anodin. Peu de temps après un terrible attentat se produit dans un restaurant de Tel-Aviv, et Amine s'affaire auprès des nombreuses victimes.
L'auteure de l'attentat n'est autre que sa femme.
Ne pouvant y croire Amine tombe en syncope sous l'effet de la stupeur, commence alors un long calvaire...
L'incompréhension
Amine passera par toutes les phases : la rancœur, la déception, la tristesse, la haine...
La question tragique, car confiant à la solitude, qui se pose est de savoir si l'on connaît jamais quelqu'un intimement? Qui était cette femme qu'il a aimé (et qui l'a aimée)?
Des questions qui restent sans réponses et dont il faudra finalement accepter l'insupportable silence. Les apparitions spectrales de la femme perdue et morcelée dans la lumières qui murmure à l'oreille de l'époux meurtri rappellent furieusement les relations sensuelles entre Lila et son amant qu'elle torture et qu'elle ravit du même coup par sa perversité tendre.
Les femmes sont-elles donc toujours des terroristes (tantôt au sens imagé tantôt au sens propre) pour Ziad Doueiri?
Le pardon
Finalement l'enquête permettra à Amine, non pas de retrouver une maîtrise de sa vie et d'accepter justement de ne pas comprendre le geste de sa femme mais juste de ne pas la condamner.
On retrouve ainsi un thème de Doueiri : l'amour au-delà de la morale. Dans Lila dit ça, Chimo tombait éperdument amoureux d'une jeune femme perturbée et perturbante.
Une sorte d'éthique des sentiments se dessine ainsi dans le cinéma de Zoueiri, quelque chose de véritablement beau et intense même dans des situations limites et terribles.
L'être humain face à ses pulsions les plus sombres et corollairement aux sentiments les plus nobles. Face à la bombe, à l'attentat et à la dévastation, l'amour triomphe. De la niaiserie et du bon sentiment? Définitivement pas, mais une capacité d'affronter la violence avec les forces du cœur et des tripes qui rappelle les meilleurs films de Jacques Audiard. Jules
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