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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Alata (Out in the dark)
/ 2013
22.05.2013
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MIDDLE EAST STORY
Si Roméo et Juliette avaient vécu au 21e siècle, sans doute auraient-ils beaucoup ressemblés au couple d'Alata : gay et israélo-palestinien, avec sur les épaules le poids du plus long conflit que le 20e siècle ait engendré.
Comme chez Shakespeare, les deux personnages sont des pions engagés dans une partie qui leur échappe. Ils n'ont guère de prise sur leur destin et voient leur histoire d'amour détruite dans l'œuf par le contexte historique, les traditions et la bêtise.
Michael Mayer dépeint ainsi une jeunesse qui, en dépit de tous ses efforts, ne parvient pas à s'extraire du conflit qui déchire son pays. Le simple fait d'aimer devient un acte politique. Le moindre choix de vie (étudier, voyager) est symbolique. Pour Nimr, la voie est étroite : toute velléité de sortir du rang est interprétée comme une volonté de trahison. Pour Roy, c'est plus insidieux : apparemment libre de ses mouvements et de ses choix, le jeune Israélien se heurte au mur de verre de la suspicion. Pour ses proches, sortir avec un Palestinien revient à pactiser avec l'ennemi.
Le réalisateur tisse ainsi tout un récit complexe autour de la relation entre les deux jeunes gens. Récit anxiogène qui vibre à la fois d'un vibrant optimisme (l'amour ne connait pas de préjugés) et d'un pessimisme violent sur les chances de mettre un jour fin au conflit.
Car ce qui frappe dans la société que dépeint le film, c'est la manière dont le conflit est insidieusement entretenu de part et d'autre. Nimr subit les brimades de la police secrète qui veut le forcer à choisir un camp. Aucun des recours légaux envisagés par Roy n'a de chance de réussir. La neutralité n'est pas de mise, de même que la fraternisation avec "l'ennemi". Dans ce contexte, qu'elle réconciliation pourrait être possible ?
Michael Mayer choisit une approche inspirée du documentaire qui favorise les mouvements de caméra heurtés et les éclairages naturels. Mais il joue aussi la carte d'un naturalisme tendre quand il filme tout en douceur une rencontre en boîte de nuit ou une soirée entre amis. Les petits détails sensibles viennent alors accrocher l'œil du spectateur, et font de ces séquences des îlots de paix au milieu d'une existence sans cesse sous pression.
Cet équilibre entre la douceur de vivre des deux amoureux et la réalité d'un monde hostile mêle efficacement l'intime et l'universel qui sont inextricablement liés. On pense définitivement à Roméo et Juliette, victimes impuissantes d'une situation préexistante dénuée de sens et désincarnée qui s'auto-perpétue à l'infini.
MpM
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