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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A Very Englishman (The Look of Love)
Royaume Uni / 2013
19.06.2013
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L’IMPATIENT ANGLAIS
"On est un îlot d'excellence dans un océan de médiocrité."
Paul Raymond, excentrique businessman ayant fait fortune avec des spectacles érotiques et un magazine pour adultes, est de ces personnages que Michael Winterbottom affectionne particulièrement : excessif, cabotin, un peu sale gosse, mais bourré d'humour et de charme. Logiquement, c'est à son fidèle complice Steve Coogan qu'il confie le rôle, le plaçant ainsi d'emblée dans la lignée de Tony Wilson (24h party people) et du Steve Coogan fictionnel découvert dans Tournage dans un jardin anglais et The trip. Et de fait, il y a une même frénésie, un même décalage ironique, chez tous ces personnages. Si ce n'est qu'un homme comme Tony Wilson faisait l'effet d'un loser magnifique, et que Paul Raymond a parfois quelque chose d'un winner antipathique. Suffisamment haut en couleurs, toutefois, pour porter le film sur ses épaules.
D'autant que la structure du scénario (pensé comme une succession de flash-back) place ce "biopic" sous le signe de la relation intense et conflictuelle que l'entrepreneur fantasque a entretenu avec sa fille chérie Debbie. Angle éclairant s'il en est, tant toute l'existence du personnage semble avoir eu comme but de demeurer, dans le coeur de la jeune fille, un super héros irrésistible. Paul Raymond incarne en effet le père en apparence idéal, attentionné et présent. Une certaine ambiguïté, pourtant, tempère ce portrait trop angélique.
Car Paul Raymond apparaît rapidement incapable d'entretenir une vraie relation sincère avec qui que ce soit. On le découvre notamment lors de deux scènes-clef le confrontant à deux autres de ses enfants : un fils qu’il n’a jamais reconnu, et un autre qu’il a abandonné très jeune. L’homme est en effet trop blasé, trop mesquinement obsédé par la réussite sociale pour s’intéresser sincèrement aux autres. Seul l’argent (et la jouissance qu’il permet) le préoccupe. C’est même son leitmotiv en toutes circonstances : après avoir perdu un procès colossal, au moment de briser (froidement) les ambitions artistiques de sa fille, et même face au deuil et à la douleur. Posture provocatrice, mais révélatrice. Car derrière la façade ironique d’un personnage revenu de tout, se cache l’angoisse secrète d’un homme lancé dans une course effrénée contre le vieillissement, l'ennui, la solitude et l'échec.
Pour raconter cette vie à cent à l'heure, Michael Winterbottom a choisi un style lui aussi effréné qui colle aussi bien au genre du biopic (raconter toute une vie en deux heures) qu'au personnage lui-même. Les scènes sont courtes, très découpées et montées "cut" les unes à la suite des autres. Comme une succession ininterrompue d'instantanés de vie qui finissent par esquisser la personnalité d'un homme dont l’existence, à l'image de ses spectacles, oscille entre vaudeville et paillettes. Une vitalité entraînante qui donne la sensation au spectateur d’être pris dans un tourbillon chatoyant de bons mots, de situations cocasses et de destins hors norme. Le personnage est peut-être "très anglais", mais le film, lui, est totalement universel.
MpM
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