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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Belle du seigneur
/ 2012
19.06.2013
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LES MALHEUREUX
Certains romans sont suivis d’une réputation écrasante, livre de chevet pour les uns ou pavé poussiéreux pour d’autres, on dit qu’il s’agît de classique qu’il faut avoir lu (pas forcément jusqu’au bout). Belle du Seigneur est ce genre de classique, le roman de Albert Cohen publié en 1968 est particulièrement dense avec plus d’une centaine de chapitres sur plus de 1000 pages… On comprend pourquoi il n'avait jamais été transposé au cinéma.
L’histoire qui peut se résumer en sept parties dans le livre a été ici trop simplifiée : seulement deux parties constituent la trame du film. Solal qui séduit Ariane mariée à un autre, puis Solal qui empoisonne sa relation avec Ariane… En fait il n’est pas nécessaire de connaître le roman puisque le film est plutôt destiné à ceux qui ne l’ont jamais lu. Le début du film est plutôt à l’avenant avec en parallèle le climat politique de 1936-1937 et la stratégie de séduction de Solal envers la belle Ariane. A la Société des Nations on évoque les nazis allemands (aux jeux olympiques de Berlin), les fascistes italiens (qui se déploient en Afrique), certains diplomates se révèlent d’ailleurs antisémites et racistes, Solal est un des rares à s’inquiéter d’un sombre futur. Lors d’un dîner il expose à son subalterne Adrien accompagné de son épouse Ariane comment un Don Juan devrait opérer pour séduire une femme, un amusant discours durant lequel seul le mari ne comprend pas ce qui se passe… Après une trentaine de minutes au charme suranné, le film ne s’occupe que du nouveau couple Solal et Ariane (et quasiment plus de politique) où les affres de la passion du roman deviennent à l’écran un mélo improbable et ennuyeux.
Le film existe grâce à la détermination de Glenio Bonder qui, après avoir réalisé un documentaire sur l’écrivain, voulait faire l’adaptation au cinéma, il est malheureusement décédé en 2011 durant la finalisation du montage. Les violons de Gabriel Yared qui reviennent en boucle envahir de nombreuses séquences rendent l'oeuvre encore plus pesante. Attribuer les rôles des amants à Jonathan Rhys-Meyers (Solal) et à Natalia Vodianova (Ariane) se révèle surprenant même si ce n'est finalement pas une mauvaise idée. Cependant la direction d’acteurs hésitante fait que l’expérimenté Jonathan Rhys-Meyers apparaît insuffisamment crédible (voir ridicule dans les excès de son personnage) et que la mannequin débutante au cinéma Natalia Vodianova parvient à s’imposer malgré le peu de scène où elle peut s’exprimer vraiment.
L’adaptation au cinéma de Belle du Seigneur était une gageure qui avait besoin d’un valeureux scénariste, d’un talentueux réalisateur et d’un budget confortable : malheureusement ces trois éléments essentiels n’ont pas été réuni…
L’expression "roman réputé inadaptable" ne peut en aucun cas servir d’excuse au ratage du film. Il suffit de (re)voir Tess de Roman Polanski d’après Thomas Hardy, Germinal de Claude Berri d’après Emile Zola, Battle Royale de Kinji Fukasaku d’après Koushun Takami, La Ballade de l'impossible de Tran Anh Hung d’après Haruki Murakami, L’écume des jours de Michel Gondry d’après Boris Vian… …Belle du Seigneur ne figurera malheureusement jamais à côté de ces films.
Kristofy
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